Théâtre, festival d’Avignon : « Héliogabale, l’empereur fou », d’Alain Pastor au Théâtre des gémeaux à 13 h 30.

Fou ou ivre ?
« Heliogabale » a existé. Ayant fait l’objet d’une « damnatio memoriae », les sources historiques à son sujet sont toutes sujettes à caution. Ce dont on est sûr, c’est qu’il fut intronisé grand-prêtre du dieu Élagabal à l’âge de treize ans, avant de devenir empereur à celui de quatorze. Qu’il dût ce titre aux intrigues de sa mère et de sa grand-mère contre le prétendant reconnu par le Sénat, et qu’il choqua cette institution masculine en y faisant siéger sa mère. Qu’il transporta jusqu’à Rome une pierre noire jusqu’au Palatin pour y organiser un culte au soleil, qui devait supplanter tous les autres, païen (dont le sien) comme chrétien ou juif. Qu’il enleva la grande vestale pour l’épouser afin de concevoir un enfant divin. Qu’enfin, il s’habillait selon la mode féminine et se faisait appeler « domina » au lieu de « dominus ». Certaines sources précisent à ce propos qu’il se serait fait faire une incision « à l’avant du corps », ce qui en ferait la première femme transgenre répertoriée. Quant aux historiens contemporains, ils pensent qu’on lui prête plus de débauches qu’il n’en eût réellement, pour consolider le pouvoir de son successeur.
De la pièce qu’il a tirée de ce règne, Alain Pastor dit lui-même que « Cette histoire violente et presque sauvage m’a paru non seulement l’affrontement de deux religions et de deux cultures, mais surtout le symbole d’un pouvoir qui finit par se haïr et se détruire lui-même. »
Cette variation sur le thème du pouvoir, qu’il soit temporel ou spirituel, montre les différentes facettes de l’ivresse qu’il procure : intime ou exubérante, dans l’intérêt supérieur de l’empire ou de soi-même, dans la manifestation d’une force de caractère ou d’une apparente faiblesse…
La crédibilité des personnages, manifeste dès leur entrée en scène, est renforcée par plusieurs rebondissements aussi discrets que vraisemblables. Il y a derrière la narration de cet épisode une parabole et des questions. Une parabole sur la façon dont toute religion qui veut prendre le pouvoir se fait autant de mal qu’à la société qu’elle veut dominer. Des questions sur la nature de la folie, du vice, du pouvoir. Et si les réponses ne sont pas dans les questions, elles n’en sont pas moins suggérées par le comportement de chacun des personnages.
Décors et lumières soulignent la noirceur des desseins. Le rythme est bien tenu. Et on est captivé de bout en bout, d’intrigues en surprises.
Pierre FRANÇOIS
« Héliogabale, l’empereur fou », d’Alain Pastor. Avec Geneviève Casile – sociétaire honoraire de la Comédie française –, Mickaël Winum, Gérard Rouzier. Mise en scène et scénographie : Pascal Vitiello. Assistant à la mise en scène : Jérémy de Teyssier. Lumières : Simon Lericq. Vidéo : Jeanne Signé. Musique et son : Jérémy de Teyssier. Durée : 1 h 15. Tout public à partir de 13 ans.
Du 29 juin au 21 juillet à 13 h 30 au Théâtre des gémeaux, salle des colonnes, 10, rue du vieux sextier, Avignon, dans le cadre du festival off.

Photo : GAM.

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