Livres : « Toulouse-Lautrec, une vie, biographie », de Julia Frey aux éditions L’Harmattan.

Sans en avoir l’air.
« Toulouse-Lautrec, une vie, biographie », chez L’Harmattan, est de la plume, comme souvent chez cet éditeur, d’une personne universitaire. Il s’agit, comme le confesse l’auteure, de « beaucoup plus qu’une simple traduction » eu égard aux nombreux documents auxquels Julia Frey a pu accéder de la part d’institutions françaises.
Quand on sait que le livre original états-unien a reçu le West Literary Award 1995 de la catégorie non-fiction de la part du Pen Center USA, a été choisi comme l’un des meilleurs livres de 1994 par Publisher’s Weekly outre-Atlantique et par le London Spectator et le Yorkshire Evening Press outre-Manche et a été sélectionné comme la meilleure biographie d’artiste par Apollo Magazine – entre autres… –, on devine la valeur de l’édition française.
La bibliographie donne une idée de l’angle pris par l’auteure pour étudier son sujet. Si elle comporte certes vingt-deux ouvrages universitaires, deux livres de souvenirs et quatre ouvrages d’Henri de Toulouse-Lautrec lui-même, on y trouve aussi mention de neuf auteurs de lettres manuscrites signées, d’un recueil de correspondance (totalisant sept cents lettres), de trois cent cinquante pages de lettres inédites et de cinquante lettres possédées par la famille.
C’est donc en s’appuyant sur ses relations familiales dès l’enfance que Julia Frey a cherché à dégager – et, autant que faire se peut, expliquer – les dominantes du caractère d’Henri de Toulouse-Lautrec. Une relation compliquée avec son handicap (qui en entrainera une autre, plutôt désespérée, avec les femmes), un caractère libre aux antipodes des valeurs conventionnelles de sa famille (qui ne voulait pas qu’il signât de son nom), une perpétuelle envie de répondre à la soumission irréfléchie par la provocation, une réelle tendresse pour les rejetées de la société, une dépendance affective par rapport à sa mère et l’héritage du caractère excentrique d’un père qui ne comprendra jamais rien à son art (la mère, pas beaucoup plus), voilà une partie de ce que fait ressortir l’auteure en s’appuyant constamment sur les correspondances qu’elle cite.
Le style est à la fois agréable, facile à lire (ce qui est un exploit lorsque l’on pense à toutes les facettes de sa personnalité qui sont montrées au jour) et didactique (avec un plan parfaitement chronologique, qui a l’avantage de bien montrer les évolutions du personnage ; celle de son alcoolisme, par exemple). Le recours à la correspondance, qui par nature parle vrai dans la mesure où elle n’était pas pensée en vue d’une publication, permet d’entrer en empathie avec cet incompris qui finit par réaliser que le combat était perdu d’avance. On a là une bonne idée de cadeau de fin d’année, qui fera tomber chez le lecteur les a priori dont cet artiste fut affublé.
Pierre FRANÇOIS
« Toulouse-Lautrec, une vie, biographie », de Julia Frey. Traduction : Régina Langer. Édition L’Harmattan, 5-7, rue de l’école polytechnique, 75005 Paris. 24 cm, 334 pages, 34 €. ISBN : 978-2-14-032550-2.

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