Livre : « S’aimer », d’Ange Provost, aux éditions Mame.

Ange Provost s’affiche comme photographe. Pourtant, elle ne fait pas qu’apprécier la belle versification, elle en commet aussi dans « S’aimer », son livre paru chez Mame.
Tout, dans cet ouvrage, respire un classicisme de bon aloi, jusqu’à la disposition qui met systématiquement en regard un poème et une photo, chacun sur une page.
Les auteurs des poèmes sont divers, d’Edmond Rostand à Guy de Larigaudie (injustement oublié) en passant par Aragon, Corneille, Hugo, Verlaine, Bernanos, Michalik , Maritain, Weil ou Kerouac, pour ne citer qu’eux. Une note en début d’ouvrage signale que les vers non signés sont de l’auteur, et ces derniers ne déparent pas dans l’ensemble.
Pour ce qui concerne les photos illustrant ces textes – à moins que ce ne soit l’inverse tant le dialogue est présent entre les deux moyens d’expression – l’auteur est unique. Elle nous livre ici ses archives, dont elle dit joliment que tant qu’elles restent dans cet état elles ne constituent qu’un « travail imparfait, gardé pour soi ». Il y a de la générosité à livrer au lecteur plusieurs années de travail.
Sans (aucun) doute est-ce le temps long de ce travail, le temps d’une évolution aussi, qui donne au lecteur un sentiment d’entre-deux. Le noir et blanc, les rues et bars de Paris, tout cela évoque immanquablement l’école de la photographie humaniste des années soixante (la photographie humaniste contemporaine, car elle existe encore, étant dominée par Salgado et Nachtwey qui ont chacun des styles complètement différents). Les effets de brume ou de flou, par exemple, évoquent Weiss ou Izis. C’est normal, tout photographe – comme tout peintre à l’époque où cette discipline était reine – ne peut trouver son propre style qu’en commençant par suivre les maîtres. La mise en valeur du grain ou plutôt du pixel (notamment p. 87), du graphisme et du contre-jour (notamment p. 101), c’est elle. Elle qui se livre en train de se trouver, et c’est beau, encore plus que sa générosité. De ce fait, ce livre plaira à ceux qui désirent se plonger, avec un soupçon de mélancolie, dans une sorte d’Eden de la photographie, comme à ceux qui aiment découvrir un talent sortant de sa gangue.
Pierre FRANÇOIS
« S’aimer », d’Ange Provost. Préface : abbé Grosjean. Éditions Mame, 57, rue Gaston-Tessier, 75019 Paris, https://www.mameeditions.com/9782728929832-s-aimer-photographies-d-ange-provost.html ; 111 pages, 52 photos noir et blanc, 24,90 €, ISBN 9782728929832.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *