Festival d’Avignon off, théâtre : « Primo Levi et Ferdinando Camon : conversations ou Le Voyage d’Ulysse » au Théâtre du roi René, à Avignon.

Joué.
« Primo Levi et Ferdinando Camon, conversations ou le voyage d'Ulysse » est le fruit d'une série d'entretiens entre le premier et ce journaliste catholique italien qui avait déjà publié, entre autre, deux ouvrages de « conversations critiques ».
Dans « Si c'est un homme », Primo Levi raconte des faits ; dans ces conversations, il les interprète. Du coup, ces conversations sont comme un pont jeté entre notre passé et notre avenir : l'analyse du passé permet de préciser dans quelle mesure il peut ou non se répéter.
Ce qui se déroule sur scène n'est cependant pas un discours, encore moins un simple jeu de questions-réponse comme dans ces conférences convenues et soporifiques. Il y a un vrai jeu, même quand la parole est à l'autre. Jeu subtil et parfaitement au point dans la mesure où, si les changements d'attitude sont limités lorsqu'on est assis sur une chaise, ils ne paraissent jamais répétitifs (alors qu'objectivement ils le sont) tant ils font vrai. Résultat : le public reste suspendu aux lèvres des comédiens, ne voit pas le temps passer et avale du même coup tant le contenu intellectuel qu'historique du texte !
Le style de ce dernier est à la fois oral et soigné. On croit à la spontanéité des interventions, aux hésitations et reprises permanentes de Primo Levi dans son désir de donner la réponse la plus précise possible. Les Allemands haïssaient-ils les Juifs ? Étaient-ils « mal baptisés », comme le prétendait Freud ? Comment se fait-il que le démon soit une constante de leur culture ? Pourquoi les opposants à Hitler, Juifs ou non, ont-ils été incapable de s'organiser, de communiquer entre eux ? Y a-t-il une faute d'être né Juif ? Où est la différence fondamentale entre le « Lager » allemand de Levi et le soviétique de Soljenitsyne ? La souffrance rend-elle meilleur ?
C'est à toutes ces questions que Primo Levi répond sans détour, en homme qui aimerait croire, mais qui ne le peut du fait de l'existence même d'Auschwitz, en homme qui pense que l'histoire des camps a été comme une immense névrose transmise par son chef à son peuple par osmose et par une utilisation rationnelle de la psychologie des foules, en homme qui se dit que le nazisme « fonctionne comme une vaccination… au moins pour une dizaine d'année ». Doit-on en conclure que la question redevient d'actualité ?
Pierre FRANÇOIS
« Primo Levi et Ferdinando Camon : conversations ou Le Voyage d'Ulysse », d'après « Conversations avec Primo Levi », de Ferdinando Camon. Avec Éric Cénat, Gérard Cherqui. Mise en scène : Dominique Lurcel.  Au Festival off d'Avignon, du 4 au 26 juillet, les jours pairs, à 11 heures, au Théâtre du Roi René, tél. : 04 90 82 24 35, courriel : theatreduroirene@free.fr, site : http://theatreduroirene.com/.

Photo : Philippe Lacombe.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *