Captivante.
« Au nom de la mère » est une pièce religieuse – la chose est si rare qu’il convient de le souligner – captivante. Si on en actualise le thème, on peut être tenté de dire que la mère, c’est Marie, le cocu, c’est Joseph et l’amant, c’est Dieu, ce qui présente l’avantage de donner des saints patrons célèbres tant aux hommes trompés qu’aux mères célibataires.
Mais la pièce ne va pas du tout dans ce sens-là. Et, là où elle innove, c’est en ceci qu’elle ne tombe pas non plus dans l’excès inverse, celui de la guimauve dégoulinante.
Le texte nous montre deux fiancés, follement amoureux et authentiquement croyants, confrontés à une double incompréhension : incompréhension de leur part par rapport à ce qui leur arrive, incompréhension de la société de l’époque et de sa loi religieuse par rapport à leur situation objective.
Le registre des dialogues est celui de la psychologie de l’amour. D’abord, d’un amour qui veut vivre au-delà de la sanction sociale prévue : la lapidation. Ensuite, d’un amour qui offre sa confiance à l’apparition d’un ange, que ce soit dans la vie éveillée ou en songe. La pièce se focalise uniquement sur le couple et en fait une aventure hors de tout autre temps que celui de la grossesse. De ce fait, la visite de Marie à sa cousine n’est même pas évoquée, puisque le propos est celui de la construction d’un couple, de l’annonciation à l’accouchement.
Le jeu est aussi sobre que la scénographie – la pièce pouvant être jouée dans à peu près n’importe quel lieu du moment qu’il y a la place pour deux tabourets. La passion – dans tous les sens du terme – n’a pas besoin de se clamer pour être ressentie dans toute sa puissance et son authenticité. De même, point n’est besoin d’une démonstration en trois points pour comprendre que c’est Marie qui aide Joseph à passer de la loi à l’esprit.
On croit complètement aux deux personnages. On est pris par le récit, au point que le temps de la pièce semble divisé par deux. La musique, en totale symbiose avec les dialogues, en accentue les singularités. On est face à du vrai théâtre exprimant une réelle spiritualité, une rareté qui mérite – largement – d’être goûtée.
Pierre FRANÇOIS
« Au nom de la mère », d’Erri de Luca. Avec Johanna Berrebi (Miriam), Gérard Rouzier (Iosef) et Francesco Agnello. Mise en scène et musique : Francesco Agnello. Renseignements et réservations : 06 64 64 01 51. Durée : 1 h. Dimanche 17 décembre à 16 h à la chapelle Notre-Dame-des-Anges, 102, rue de Vaugirard, métro Saint-Placide, 75006, Paris, puis samedi 23 décembre 2023 à 12 h 30 et 20 h et dimanche 24 décembre à 16 h à l’église Saint-Sulpice, crypte du Rosaire, 4, rue Palatine, métro Saint-Sulpice, 75006 Paris. Participation libre aux frais.
Photo : Pierre François.