Trilogie, épisode 3.
Avec « Incandescences », on retrouve la méthode et la patte d’Ahmed Madani. Et on ne s’en lasse pas, car il manie toujours avec autant de brio la surprise et le questionnement au sein de la mise en scène comme du texte.
Cette fois-ci, après les tribulations d’adolescents (Illumination(s), 2012) et d’adolescentes (F(l)ammes, 2016) des cités, on assiste à l’entrée dans l’âge adulte à travers les premières fois et la façon dont chacun ou chacune s’approprie – ou non – l’héritage légué par des parents pour qui vivre en France est un exil.
La méthode a été la même que d’habitude. Tel le chercheur de pépites, Ahmed Madani a écouté plus d’une centaine de garçons et fille âgés de vingt à trente ans pour en extraire une petite dizaine de récits portés par autant de comédiens qu’il a lui-même formés pendant un an. Le miracle est toujours le même : ces derniers jouent avec une telle sincérité qu’on leur attribue l’histoire de leurs rôles en se demandant si les parents et amis sont déjà avertis ou vont découvrir les révélations, parfois intimes, faites sur scène en venant voir le spectacle.
La patte d’Ahmed Madani est dans sa façon pacifiante de révéler combien les histoires de familles comptées pour quantité socialement négligeable, tout au plus une force nécessaire de travail, portent une dimension tragique en même temps qu’elles révèlent une force de vie peu commune. La pièce la plus révélatrice de ce point de vue fut sans doute « Je marche dans la nuit par un chemin mauvais » dans laquelle il abordait le tabou de la guerre d’Algérie avec une telle pudeur et humanité que nul, quel que fut son camp, ne pouvait y trouver à redire.
Une fois de plus, avec « Incandescences », son chemin est celui du respect de l’autre et d’une réelle fraternité de sorte que même quand il révèle les découvertes les plus intimes, elles sont reçues avec bienveillance (y compris une ou deux longueurs). La dimension sociale de son travail ne doit pas faire oublier la qualité théâtrale qu’il obtient de ses comédiens. Aller voir « Incandescences », c’est à la fois se documenter et se purifier le regard sans douleur, au-delà des constructions mentales et généralisations que nous faisons tous.
Pierre FRANÇOIS
« Incandescences », d’Ahmed Madani. Avec Aboubacar Camara, Ibrahim Diop, Virgil Leclaire, Marie Ntocho, Julie Plaisir, Philippe Quy, Merbouha Rahmani, Jordan Rezgui, Izabella Zak. Dates théoriques de la tournée : 26 et 27 janvier au Théâtre éphémère d’Évry, 29 janvier aux Passerelles de Pontault-Combault, du 3 au 7 février à la MC 93 de Bobigny, 11 février à La Sucrerie de Coulommiers, 16 et 17 février à la Maison de la Culture d’Amiens, 2 mars au Théâtre auditorium de Poitiers, 6 mars au Théâtre André Malraux de Gagny, 9 mars au Théâtre de l’Arsenal de Val-de-Reuil, 13 mars au Théâtre la colonne de Miramas, 22 au 26 mars au Grand T de Nantes, 3 avril au Vivat d’Armentières, 9 avril au Théâtre de Chelles, 15 et 16 avril au Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines, 21 au 23 avril au Cdn Normandie de Rouen, 29 et 30 avril à Fontenay-en-Scènes à Fontenay-sous-bois, 7 mai au Théâtre de Brétigny, 11 et 12 mai au Collectif 12 de Mantes-la-Jolie, en collaboration avec le Théâtre de la nacelle d’Aubergenville.
Photo : Pierre François.