Carambolage d’informations.
« Usine à bébé » au Nigéria.
Le 3 octobre 2019, une revue de presse nous apprenait que sept femmes de 13 à 27 ans s’étaient enfuies d’une « usine à bébés » située dans le quartier populaire d’Isolo proche de l’aéroport de Lagos(1). La police a pu les recueillir après avoir appris qu’elles attendaient à un arrêt de bus. L’existence des « usines à bébés » est notoire au Nigeria où la majorité de la population vit avec 2028 $ par habitant et par an (en 2018), classant le Nigeria à la 193e place des pays. L’indice de développement humain* y est de 0,532 (en 2017, le maximum étant 1), ce qui place le pays à la 195e place sur 228 pays. 46 % de la population se trouvait en dessous du seuil de pauvreté national en 2009. Quatre autres maternités illégales avaient d’ailleurs été fermées par la police courant septembre, et 19 femmes secourues.
Le mode opératoire est toujours le même : des femmes sont emmenées à Lagos avec des promesses de travail puis engrossées et enfermées dans ce que la police qualifie de « centre de détention », les bébés étant ensuite vendus 1200 € pour les garçons et 750 € pour les filles.
Vote à main levée.
Le même soir, dans un hémicycle quasiment désert les députés, dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la Pma pour toutes les femmes, même fécondes, ont adopté à main levée un amendement rendant automatique la reconnaissance de la filiation d’enfants nés d’une mère porteuse à l’étranger, contre l’avis du gouvernement qui a demandé une seconde délibération(2).
Affaire Mennesson.
Le lendemain, la Cour de Cassation, dans le cadre de l’affaire Mennesson, a indiqué : « en droit français, les conventions de GPA sont interdites. Toutefois, au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant et pour ne pas porter une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée, une GPA réalisée à l’étranger ne peut faire, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention. Cette reconnaissance doit avoir lieu au plus tard lorsque le lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé. »(3).
Vente de bébés et d’ovocytes en Grèce.
Quelque temps avant, le 27 septembre, douze personnes ont été arrêtées à Thessalonique, en Grèce, dans le cadre d’une enquête sur un trafic de nourrissons et de « produits humains » – 22 adoptions illégales et 24 cas de vente d’ovocytes – visant en tout une soixantaine de personnes. Là aussi, on recourait à des femmes vulnérables bulgares, géorgiennes ou rom, chaque enfant étant monnayé au moins 25 000 euros pour un gain total estimé de plus de 500 000 euros en trois ans(4).
Pénurie de gamètes.
Enfin, on sait depuis plusieurs années qu’en France les CECOS manquent de sperme et d’ovocytes(5). Par exemple, en 2015 on relevait que le nombre moyen annuel de dons d’ovocytes était de 540 (moins de moitié moins que ce qu’il faudrait pour satisfaire la demande des couples infertiles) et celui de sperme de 255 (50 de moins que ce qu’il faudrait). On ne sait pas vraiment ce qu’il en sera si la levée de l’anonymat, à condition que le donneur l’accepte, est votée(6).
GPA
Par contre, une chose est sûre : la GPA sous forme d’esclavage de femmes pauvres et de vente de bébés a déjà commencé et on n’a pas encore vu de riche américaine porter un enfant pour une pauvre pakistanaise stérile. L’argument tiré de la nécessaire générosité et des bons sentiments est donc des plus fragiles, comme le rappelle régulièrement Patrice Obert, fondateur des « Poissons roses »(7), un mouvement sous l’inspiration du personnalisme d’Emmanuel Mounier et qui se veut l’héritier des « chrétiens de gauche » des années 70.
Pierre FRANÇOIS
(1) https://www.20minutes.fr/monde/2619551-20191003-nigeria-sept-femmes-enceintes-echappent-nouvelle-usine-bebes et https://www.asiaone.com/world/7-pregnant-women-girls-escape-baby-factory-nigeria
(4) https://fr.euronews.com/2019/09/27/un-trafic-d-enfants-demantele-en-grece
(5) https://www.cecos.org/sites/default/files/pma_nous_ne_voulons_pas_devenir_les_policiers_de_la_filiation.pdf et https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-ma-sante/c-est-ma-sante-en-france-on-manque-de-donneurs-de-sperme-et-d-ovocytes_2455220.html
*L’indice de développement humain est une mesure de contrôle des personnes sur leur destinée défini à partir de l’espérance de vie, l’accès à l’éducation et à la culture et le niveau de vie. Cet indicateur composite a été mis au point par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).