Bâtir, par Bernard DEVERT.
Bâtir des ponts et veiller à ne point les rompre est au cœur de nos respectifs engagements.
Au début de l'été, j'écrivais quelques mots sur le fait qu'un enfant sur trois, en France, ne parte pas en vacances en raison de la misère ou de la précarité.
Cette observation qui, malheureusement, ne peut pas être démentie, souligne une profonde exclusion sociale.
À la rentrée, d'aucuns partageront la joie de leurs escapades. Que de laissés pour compte entendront ces récits les plongeant plus encore dans un horizon assombri par trop de rigueurs destructrices d'avenir.
Une maman m'a répondu, sans agressivité, qu'elle avait connu cette situation avec ses enfants pendant de nombreuses années (trop) sans que personne ne lui ait proposé d'accueillir l'un ou l'autre, fût-ce quelques jours.
La question alors surgit : aujourd'hui, pourquoi aiderais-je alors que l'indifférence fut ma compagne. La seule réponse qui vaille – me semble-t-il – est d'être des bâtisseurs de ponts, de passerelles, faute de quoi chacun reste rivé dans ses crispations.
Tout bâtisseur sait qu'il lui faut prendre le risque de commencer et finalement de consentir à toujours recommencer.
Dans son livre « Éclats d’Évangile » Marion Muller-Colard, dit qu'il n'y a pas de ligne d'arrivée, seulement des lignes de départ. L'expression est juste et heureuse.
N'est-ce pas aussi cela la fête du 15 août ? L'Assomption de Marie ne doit-elle pas être entendue comme une vie si donnée qu'elle est constamment sur une ligne de créativité pour faire naître un autrement, réunissant les rives, terre et ciel.
Bâtir est difficile. Il faut de l'audace ; elle n'a pas manqué à Marie pour privilégier un engagement bouleversant : donner vie à l'Auteur de la vie, en consentant à ce « oui » dont l'un des philosophes du soupçon dira qu'il est le « oui vital de l'âme ».
Croyants ou non, ce sont bien nos « oui » qui donnent du sens à nos existences. Ne sont-ils pas une forme d'assomption pour nous élever vers l'essentiel : l'ouverture du cœur.
En ce 15 août, ce Magnificat sera partagé plus que nous ne l'imaginons au regard de tous ces ponts ou passerelles, nés de ces oui qui ne sont pas sans susciter des raisons d'espérer, de croire en « celle qui est infiniment humble, infiniment jeune, parce qu'elle est infiniment Mère » (Péguy dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu).
La joie d'une mère, c'est de voir ses enfants toujours s'élever, se relever.
Magnificat.
Bernard DEVERT
https://www.habitat-humanisme.org/