Theatre, festival d’Avignon off : « 1336 », de et par Philippe Durand au 11 Gilgamesh Belleville, à Avignon.

1336 jours.
Il est là, seul, avec à ses côtés une table couverte de boîtes de thé et d’infusions. Il raconte. Ou plutôt il vit. Il vit l’épopée vécue par des personnes qui n’avaient pas été préparées à occuper leur usine 1336 jours d’affilée, juste pour pouvoir la racheter et continuer à y travailler. Des personnes de la région ou pas (Lipton avait déjà fermé une usine en Normandie et quelques ouvriers avaient déménagé vers Marseille pour continuer à travailler). Des personnes dont les familles se sont divisées entre ceux qui voulaient accepter de l’argent et ceux pour lesquels l’outil de travail valait plus cher qu’un chèque. Il est allé les interroger et, comme il a l’oreille musicale, il restitue les propos des intéressés « dans leur jus ». Certes, entre deux témoignages disant la même chose, il a toujours choisi celui qui utilisait la plus belle langue. Mais sans jamais les déformer ou les modifier. Côté public, on est suspendu à ses lèvres. On écoute, avide, un conte vécu dont on sait l’issue heureuse, même si l’avenir est plein de nouvelles incertitudes. Et on découvre deux logiques, deux psychologies irréductibles. Certes, il y a un parti pris – seul les coopérateurs ont témoigné – mais il est annoncé et aucun propos partisan n’est ajouté. On est dans le compte rendu pur, dans la découverte de la force d’une pensée qui aime le travail bien fait (et dans une certaine mesure on comprend que si cette volonté de continuation de l’entreprise a pu exister, c’est parce qu’il y avait la certitude de pouvoir faire mieux de la part de ceux qui utilisaient quotidiennement  les produits et machines). On est quasiment dans un récit journalistique, mais vécu et doué d’une âme. Résultat : le public est hypnotisé jusqu’à la fin.
Pierre FRANCOIS
« 1336 », de et par Philippe Durand. Au 11 • Gilgamesh Belleville à 20 h 10, sauf le mardi, du 6 au 28 juillet à Avignon, dans le festival off.

Photo : Pierre Francois.

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