Médiation musicale.
Vous aurez noté sans doute que notre monde va pour le mieux. Entre divers maux – la liste est longue – on ne sait plus ni se parler, ni s'écouter. La preuve ? on parle aujourd'hui à tout bout de champ de « médiation ». Qu'elle soit sociale, économique ou culturelle, la « médiation » est un terme à la mode. Depuis quelques années, elle est même devenue un métier à part entière. Son rôle ? Faire le lien. Tout simplement, oserait-on dire. Parmi ses avatars, il en est un culturel qui se décortique ainsi : aller à la pêche aux publics nouveaux puis trouver des moyens bien « vivants » de leur transmettre la substantifique moelle d'un « objet culturel ». Quel qu'il soit, un tableau, un spectacle, une œuvre littéraire ou musicale…etc.
Dans « Le jour où j'ai rencontré Franz Liszt », Pascal Amoyel, qui n'en n'est pas à son coup d'essai, fait œuvre de médiation culturelle. Pianiste de renommée mondiale, il descend humblement de son encombrant piédestal et nous livre deux histoires savamment tricotées : sa propre enfance sous la tendre et décisive influence de son grand-père, et celle du maître, inventeur du récital. Sans doute une des premières vedettes internationales dans sa discipline, déclenchant dès 1820 des séances d'hystérie collective et la fortune des fleuristes. Le magnifique récital de Pascal Amoyel, car c'en est un, même s'il est habilement mâtiné de théâtre, pourrait s'intituler « Franz Liszt pour les nuls » ou bien « les pianistes d'avant ». Il contribue à faire sortir la musique classique de sa tour d'ivoire pour la rendre plus accessible et bien vivante encore. Il nous offre avec talent, virtuosité et humour un récital sur un plateau. Pascal Amoyel interprète Bach, Mozart, Beethoven mais aussi Czerny, Chopin et Liszt bien sûr, dont les tourments nés de ses aspirations spirituelles au cœur d'une vie mondaine font l'âme de ce spectacle.
Les puristes ou les amateurs éclairés déploreront peut-être ici la perte d'une certaine « pompe » qui accompagne traditionnellement la « grande » musique. Pourtant, servie par un tel interprète, la musique classique ne perd rien à être ainsi démocratisée. Elle gagne en présence, en chair et en intensité lorsqu'elle est éclairée d'anecdotes et de vérités historiques. Alors ne boudons pas cet enfantin plaisir d'écouter, en plus de la musique, de belles histoires. Merci Monsieur Amoyel.
David Westphal.
« Le jour où j'ai rencontré Franz Liszt » de et avec Pascal Amoyel Mise en scène : Christian Fromont. Lumières : Philippe Séon. Théâtre Ranelagh, 5, rue des vignes 75016 Paris. Location O1 42 88 64 44 – www.theatre-ranelagh.com du mercredi au samedi à 20h45. Dimanche à 17h.
Photo : Charlotte Spillemaecker