Théâtre : « Foi amour espérance » d’Ödön von Horváth à l’Usine Hollander de Choisy-le-Roi.

Société déshumanisée.
« Foi amour espérance » est une œuvre d'Ödön von Horváth, imaginée d'après un cas réel qui lui fut signalé par un chroniqueur judiciaire en 1932. Le titre fait explicitement référence à la première lettre de saint Paul aux Corinthiens. Mais, si l'auteur tient à insister sur le fait que « sans foi, amour, espérance, en bonne logique, la vie n'est pas possible », il ne dit pas que cette logique soit respectée et une telle vie possible, au contraire.
À la suite d'Ö. von Horváth, Patrice Bigel, metteur en scène, choisit 2 Co 11, 25-26 (« trois fois j'ai été battu de verges, une fois j'ai été lapidé, trois fois j'ai fait naufrage, j'ai passé un jour et une nuit dans l'abîme… ») pour illustrer le titre. Il serait néanmoins contre l'esprit de l’œuvre que de suivre l'apôtre jusqu'au chapitre suivant, lorsqu'il écrit que « quand je suis faible, c'est alors que je suis fort. ». En effet, la pièce est une « danse de mort », une spirale infernale qui saisit une jeune fille dans la misère et la mène jusqu'au suicide malgré ses pulsions répétées de vie. Si on peut trouver un sens supérieur au sacrifice d'Iphigénie, ici seule la conjonction d'un état policier qui encourage la lâcheté et l'individualisme, voir la bêtise, des humains arrivent au même résultat.
Si la structure réglementaire reste assez datée, les caractères humains décrits sont éternels, et donc la pièce d'actualité.
Les personnages sont crédibles malgré leur peu d'épaisseur. Ils ont des caractéristiques nettement plus développées que dans une farce sans atteindre la richesse psychologique des grands rôles. On y croit assez pour s'attacher à eux tout en restant à cette distance qui met en lumière les symboles représentés. Comme d'habitude, les éclairages sont soignés à l'extrême et tout ce qui peut provoquer un effet graphique (décor, déplacement, accessoires, costume) est mis à contribution pour donner un effet sobre et en pleine concordance avec l'ambiance délivrée par le texte et le jeu. Dans cette pièce, c'est un bassin qui occupe la place centrale. On remarque au passage que malgré une utilisation intensive, jamais on n'a un sentiment de répétition ou de lassitude. Seule ombre au tableau : la prononciation des chants (il n'y a rien à dire sur les mélodies) allemands.
Patrice Bigel signe ici une mise en scène plus sage que ce qu'il a l'habitude d'offrir à son public et pourtant nulle déception dans la mesure où rien de ce qui compose la pièce n'est de trop ou en décalage. Et la beauté de son travail aide à méditer sur notre nature et celle de notre société.
Pierre FRANÇOIS
« Foi amour espérance », d'Ödön von Horváth, traduction d'Henri Christophe, adaptation de Patrice Bigel. Avec Francis Bolela, François Chanut, Karl-Ludwig Francisco, Bettina Kühlke, Adèle Le Roux, Jean-Michel Marnet, Noémie Naël, Juliette Parmantier, William Santucci. Vendredi et samedi à 20 h 30, dimanche à 18 heures jusqu'au 13 décembre à l'Usine Hollander, 1, rue du docteur Roux, 94600 Choisy-le-Roi, tél ; : 01 46 82 19 63, larumeur@compagnielarumeur.com, www.compagnielarumeur.com, restauration sur place, RER C station Choisy-le-Roi.

Photo : Pierre Francois.

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