Théâtre musical : « Totus cordus, l’histoire du violon comme vous ne l’avez jamais entendue », de et avec Claude Vonin à la Comédie saint Michel à Paris.

Rires, pizzicatti
En matière de spectacle, la plupart du temps on est émerveillé sur le moment puis le souvenir estompe peu à peu l'enthousiasme soulevé. Pour « Totus cordus », c'est l'inverse ! Le thème ne le laisse pourtant pas présager : il s'agit d'un spectacle solo présenté par un premier prix récidiviste de conservatoires sur l'histoire du violon et de ses ancêtres.
C'est que ce musicien-là s'est sérieusement attelé au travail de la scène et qu'il maîtrise parfaitement les arts du mime, du clown et du conte (tendance humoristique). On retient d'autant mieux les étapes de la création de cet instrument (si parfait que ses utilisateurs l'ont humanisé en le décrivant comme ayant des épaules, des hanches, un ventre, un dos, des ouïes et… une âme) qu'on rit en en prenant connaissance. On est même estomaqué lorsque, en début de représentation, on voit le comédien-musicien jouer « Au clair de la lune » d'une façon parfaitement juste sur… une ficelle tendue entre sa main gauche d'une part et une peau de tambour d'autre part ! Explication : il tire plus ou moins sur la ficelle entre chaque note. Félicitation à celui qui réussira à faire la même chose, fut-ce avec un de ces pot de yaourt utilisés comme téléphone.
Mais ce physique de professeur Tournesol échappé de son laboratoire du château de Moulinsart – il est d'ailleurs belge – a plus d'un tour sans son sac. Il sait par exemple reconstituer les premiers instruments humains de percussion, vents et cordes avec la complicité des spectateurs, doser son jeu de clown de sorte qu'il ne tombe jamais dans la caricature, faire de la musique avec n'importe quel instrument primitif (tambour, arc musical, ravanastron, erhu), adapter le rythme de sa diction aux épisodes de son récit, énumérer des dates  historiques en donnant envie de les retenir (770 : création du premier Conservatoire du monde à Bagdad par Ibrahil-Al-Mawsili, qui comportait un département pour les cordes frottées ; 840 : premier conservatoire européen fondé par son disciple Zyriab Abu al Hassan Ali ben Nafi à Cordoue ; vers 1086 création de la vièle à archet utilisée par Guillaume d'Aquitaine, grand trousseur de jupons devant l'Eternel (jusqu'à sa conversion) mais aussi premier troubadour ; 1520 : Giovan Giaccobo della Corna et Zanetto Montichiaro inventent « il violino »  qui fait fureur à la cour de Charles IX entre les mains expertes de Baldassare da Belgioioso, et c'est la première commande royale à Amati, qui a pris la suite de Della Corna et Montichiaro; 1581 : le « ballet comique de la reine » est la première partition imprimée du monde ; vers 1607 : invention des tremoli et pizzicatti par Monteverdi, etc.).
On apprend aussi comment la musique cessa d'illustrer un texte pour devenir un mode d'expression à part entière avec le concerto, forme inventée par Vivaldi qui, au surplus, met le violon au centre de l'orchestre.
Notre violoniste démontre cette affirmation par l'exemple en donnant alors des extraits commentés des « Quatre saisons » qui transforment complètement l'écoute qu'un mélomane moyen peut en avoir. Il met par ailleurs en évidence la mystique de Bach qui dédiait chacune des ses oeuvres AMDG (Ad majorem dei gloriam : pour la plus grande gloire de Dieu, formule qui est aussi la devise des jésuites). On rend grâce au passage qu'il eût à nourrir deux femmes et dix neuf enfants, ce qui le porta ô combien au travail.
Cette évocation de la dimension religieuse de la musique lui est naturelle dans la mesure où, converti, il aurait eu l'impression de ne pas rendre compte de toute la réalité musicale s'il l'avait passé sous silence. Pour autant, la chose est faite avec tact et il n'impose rien. On est subjugué tout au long du spectacle, on lui cherche encore un défaut…
Pierre FRANÇOIS
« Totus cordus, l'histoire du violon comme vous ne l'avez jamais entendue », de et avec Claude Vonin.
À la Comédie saint Michel, 95, bd saint-Michel, 75005 Paris, les mercredis à 21 h 30 et dimanche à 16 h 30 jusqu'au 30 septembre, tél. : 06 65 65 49 36, www.totuscordus.com, www.comediesaintmichel.fr.
Puis du 12 au 30 octobre en tournée au Québec et au festival Rosercq. Et tournée en Belgique : le 13 novembre au Grand théâtre de Verviers, le 12 décembre au Grand théâtre de Namur, du 12 au 23 avril 2016 à La Samaritaine de Bruxelles.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *