Théâtre : « La Tempête » de Shakespeare au Vingtième Théâtre

« La Tempête » de Shakespeare est aussi celle d’une âme torturée entre le désir de rendre le bien qui lui a été donné et celui d’entrer dans la logique d’œil pour œil, dent pour dent. Cet aspect chrétien du personnage de Prospero, qui finira par pardonner, est particulièrement mis en valeur dans cette interprétation de l’œuvre.

« La Tempête » de Shakespeare mise en scène par Ned Grujic fait penser au « Roméo et Juliette » qu’il avait monté en 2012 au Théâtre 14 : on y retrouve autant le grand William que ce dernier, qui avait auparavant mis en scène « Fame » et « Hair », c’est dire son penchant pour la musique.

De la musique, on en trouve en effet tout au long de la représentation, à partir des instruments – plutôt des percussions – les plus étranges. Mais il ne s’agit pas d’un effet gratuit, car elle souligne et amplifie bien les dialogues.

Dans un décor minimaliste, les lumières prennent une grande importance, leur rôle étant d’évidence de mettre en relief les pouvoirs magiques du duc déchu. Elles y parviennent magnifiquement et on est proche, parfois, de l’ambiance de L’Illusion comique.

Ce dernier est le personnage autour duquel la pièce est centrée puisque le choix de mise en scène a été de nous faire voyager « dans la tête de Prospero » et de voir les personnages qui l’entourent comme ses « anges et démons intérieurs ». De ce point de vue, l’interprétation est parfaitement fidèle à la note d’intention.

D’aucun se formalisent des attitudes parfois truculentes de certains personnages, mais c’est oublier que la marque de fabrique de Shakespeare est justement de tout mélanger, des sentiments les plus nobles aux propos les plus rabelaisiens sans oublier le bouffon présent dans chacune de ses pièces. Une bonne connaisseuse de l’auteur remarquait combien cette mis en scène, aussi originale soit-elle, restait fidèle à Shakespeare, les coupes n’ayant concerné que des passages mineurs ou redondants comme la longue scène du naufrage.

On est par ailleurs impressionné par le travail des comédiens qui, outre leur jeu réussi, assurent également la partie musicale du spectacle. Le rythme est relativement cadencé, mais puissant. L’utilisation des masques pour certains personnages ou le fait que d’autres portent la tenue noire (au lieu des costumes chamarrés qui sont ici la norme) des manipulateurs à vue ne gêne pas. En effet, le bénéfice de ces choix est évident et dans la ligne du texte. Cette richesse permet quelques scènes particulièrement bonnes.

Pierre FRANÇOIS

« La Tempête », de Shakespeare. Avec Charlotte Andrès, Rafael Bianciotto, Anne-Dominique Défontaines, Christophe Hardy, Jean-Luc Priano, Francis Ressort. Mise en scène : Ned Grujic et Rafael Bianciotto. Du jeudi au samedi à 19 heures, dimanche à 15 heures jusqu’au 26 octobre au Vingtième théâtre, 7, rue des plâtrières, 75020 Paris, métro Ménilmontant, tél. : 01 43 66 01 13.

Photo : GuYom

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