Théâtre : Doute en tournée

« Doute » est une pièce sans concession. Dans une école catholique des États-Unis, la supérieure soupçonne l’aumônier, qui est aussi son chef hiérarchique, de s’intéresser de trop près au seul élève noir de l’établissement. Elle en fait part à une jeune sœur enseignante qui n’y voit pas de mal. Lors des multiples confrontations qui suivent avec le prêtre, ce dernier se défend mal. La directrice obtient son déplacement, qui s’avère être un avancement. Avait-elle raison ? La mère de l’enfant, avait-elle tort de ne pas plus le protéger ? L’enseignante novice était-elle réellement trop naïve ?
Résumée ainsi, la pièce est joyeusement trahie (et c’est le seul élément léger qu’on puisse y insérer), car il en émane une force, un suspense, un malaise qui sont palpable dès la première scène.
Les rôles sont très bien tenus. La rigidité de la supérieure est on ne peut plus crédible de la part de quelqu’un qui a de l’expérience, que la vie a forcé à s’endurcir. La générosité de la jeune sœur n’est-elle pas le lot même de tout professeur débutant, de toute religieuse qui vient de s’engager, par idéal ? Quel est l’homme qui ne se défendrait pas gauchement face à une alliée théorique qui se montre en pratique un procureur implacable ? La mère de l’enfant, si elle surprend par sa réaction, ne se fait-elle pas tout simplement le porte-parole d’une minorité qui connaît les couleuvres à avaler pour pouvoir s’extraire de sa condition, et qui veut, in fine, le meilleur pour son fils ?
Cette dernière, si son apparition est brève, marque par son interprétation d’une justesse incroyable, pleine d’amour et de réalisme. La supérieure est convaincante au point qu’on a tous rencontré dans nos famille un de ses clones, ces gens qui se sont forcé à mettre leur sensibilité sous le boisseau pour survivre soi-même et protéger autrui. Le prêtre pris entre son désir de changement et les réticences de ses ouailles est un modèle du genre. Seule la jeune enseignante est un soupçon trop naïve pour être pleinement crédible, mais on arrive ici à un stade où on chipote sur la nuance de la nuance.
Cette pièce est une plongée au scalpel dans le monde catholique institutionnel, avec ses désirs, ses devoirs, ses tentatives et ses doutes…

Pierre FRANÇOIS

« Doute », de John Patrick Shanley, traduction Dominique Hollier. Mise en scène : Robert Bouvier. Avec Robert Bouvier, Emilie Chesnais, Elphie Pambu, Josiane Stoléru.
Tournée en Suisse : à Sion au Théâtre de Valère le 12 mars, à Yverdon au Théâtre Beno-Besson le 13 mars, à Avenches au Théâtre du château le 14 mars, à Romont au Bicubic le 15 mars, à Fribourg à la Nuithonie les 13 et 14 mai 2014.
Tournée en France : à Provins le 18 mars, au Vésinet le 19 mars, à Saint-Cloud aux 3 Pierrots le 20 mars, à Rueil-Malmaison au Théâtre André Malraux le 21 mars, à Saint-Maur au Théâtre de Saint-Maur le 22 mars, à Maisons-Alfort au Théâtre Claude Debussy le 25 mars, à Cambrai le 26 mars, à Sèvres au Sel le 27 mars, à Orsay au Théâtre Jacques Tati le 28 mars, à Tourlaville à l’Espace Buisson le 29 mars, à Haguenau au Relais Culturel le 3 avril, à Saint-Louis au Forum le 5 avril, à Montceau-les-Mines à L’Embarcadère le 8 avril, à Strasbourg aux Taps – La Scala du 10 au 13 avril, à Lomme au Théâtre Octobre – Les Tisserands le 18 avril, à Narbonne à la Scène nationale les 22 et 23 avril, à Périgueux à L’Odyssée le 29 avril, à Mérignac au Pin Galant le 21 mai, au Festival de Sarlat au Jardin des Enfeus le 21 juillet à 21H45.

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