Théâtre : L’Espace 44, petit lieu en péril

L’ «  Espace 44  » est la seule devanture de la rue Burdeau qui ne soit pas une galerie d’art, avec le café qui fait l’angle.Dans le premier arrondissement de Lyon, à deux pas du métro Croix-Paquet et de Saint-Polycarpe, cette petite salle de 40 places a une place bien particulière dans l’agglomération. La combativité de son directeur y est pour quelque chose mais aussi son dévouement à la cause des jeunes talents.

Il y a, explique André Sanfratello, beaucoup d’écoles de théâtre dans les environs et il fallait donner aux élèves qui en sortent leur chance, ainsi qu’aux auteurs émergents. Pour autant, on sent bien qu’il n’invite pas n’importe qui sur son plateau. Il a d’ailleurs été parmi les premiers à faire partie du label «  Scène découvertes  », un réseau purement lyonnais qui regroupe les lieux ayant à cœur «  une meilleure diffusion des premières œuvres et leurs rencontres avec le public, en accordant la priorité dans la programmation des théâtres à des spectacles émanant d’équipes émergentes ou d’une approche artistique innovante  », y compris en aidant ces équipes et ces artistes à réaliser leurs spectacles et à trouver leur public.

Ce label créé en 2002 a été un tel succès qu’en 2004 la ville reconduisait le dispositif et qu’en 2007 la Région y participait. Mais la crise arrive et la Drac veut d’abord se retirer d’un seul coup en 2010. Après négociations et intervention du public comme des médias ce désengagement se fait sur trois ans. Et quand André Sanfratello répond à un nouvel appel à projet triennal en 2012, aucune réponse ne lui parvient. Lui fait on payer ses protestations et conférences de presse pour alerter l’opinion sur le retrait brutal de l’État dans ce dispositif  ? Il en est aujourd’hui à écrire en recommandé au cabinet de la ministre de la Culture pour lui demander d’obliger la Drac à lui fournir une réponse.

Artistiquement, il existe toujours mais il a fallu modifier les options de programmation en intégrant des spectacles moins risqués pour équilibrer le budget. Pour autant, il n’est pas devenu un théâtre de quartier  : son public vient encore de tous les horizons, car la qualité de son travail est reconnue par les spectateurs à défaut de l’être par les institutions.

Cette saison, son festival annuel a pris Camus comme thème. On a ainsi pu voir «  La Chute  » et constater la qualité du travail fourni. Dans un décor évoquant la déchéance du héros, le comédien seul en scène évoque avec une grande dureté la chute morale de son personnage.La proximité avec le plateau rend le propos plus violent encore. On est réellement secoué. Entendre dire «  La débauche est une jungle  : on y laisse en y entrant la crainte mais aussi l’espérance  » ou «  n’attendez pas le jugement dernier, il a lieu tous les jours  » à deux mètres de soi avec un parfait accent de vérité est une expérience qui trouble, pour le moins  !

Heureusement une des pièces programmées dans la suite de l’année sera moins dure. Sandrine Bauer, dont le dernier spectacle abordait le thème de la violence conjugale dans un style tragique a cette fois-ci décidé de traiter la question «  comment vivre en bonne intelligence avec les hommes au moment où le féminisme recule  ?  » d’une façon comique. Elle est partie du livre d’E. Badinter «  La Femme dans le conflit  » et du fait que beaucoup de jeunes femmes reviennent à l’ancien modèle de couple dans lequel l’épouse reste sous la dépendance matérielle de son mari. À partir de là elle met en scène une femme qui vient de rompre et qui essaie d’en comprendre les raisons auprès de sa tante soixante-huitarde qui n’a jamais réussi à vivre avec un homme. La pièce est programmée à l’Espace 44 du 20 au 30 mars. Gageons qu’elle donnera quelques repères en faisant sourire…

Nota :

Il y a contestation des faits de la part de la Drac. Un autre article suivra dès que les choses auront été éclaircies.

Pierre François

Espace 44, 44, rue Burdeau, Lyon 1er, tél.  : 0478 39 79 71, 09 81 03 79 71, contact@espace44.com, www.espace44.com.

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