Tragi-comique.
« Exploits mortels » est une BD sur scène. Une BD qui invite à poser des regards différenciés sur le même évènement, que l’on pouvait croire fondateur, mais qui se révèlera final. Car « Exploits mortels » est aussi une invitation à l’introspection : ce qui nous paraît, subjectivement, essentiel ou secondaire, l’est-il dans la subjectivité d’autrui ? Chacun recourant à son propre passé pour évaluer le présent, rien n’est moins sûr…
Mais « Exploits mortels », c’est d’abord du théâtre, de l’émotion, même si cette dernière produit de la réflexion. À ce titre, la pièce commence par dérouter – trois minutes, pas plus – quand Joséphine est elle-même d’un côté tandis que son interlocutrice parle de Joséphine ! De fait, les deux comédiennes passent sans cesse d’un personnage à l’autre ou au rôle de récitante. Et le parti pris est comparable au graphisme de Lucky Luke plutôt qu’à celui de Blueberry : des caractères à – relativement, le décor en témoigne – gros traits pour aller à l’essentiel. On est ainsi fréquemment à la limite du jeu clownesque, ce qui permet de conserver de l’humour – par l’absurde – à ce qui pourrait sombrer sinon dans l’effroyable. Ce travail, qui est présenté comme une « farce tragique existentielle », correspond bien à cette description, avec en prime une dose de comédie musicale. « C’est complètement hallucinant que je doive être responsable de ma propre vie » est une des clés de ce spectacle, avec l’affirmation reprise par tous les témoins : « C’est comme ça que ça s’est passé. »
Le travail des comédiennes est remarquable. Elles passent avec une aisance – et une crédibilité – ahurissantes d’un personnage à l’autre. Elles font avancer la pièce alors qu’un jeu moins talentueux donnerait l’impression de tourner en rond, eu égard à la structure du texte. Ce n’est pas un hasard : leur talent est guidé par celui de François Rancillac à la mise en scène. Il faut aussi noter le jeu muet, mais aussi expressif que sobre du… régisseur. Il est sur scène et règle invisiblement la technique tandis qu’il porte attention à des personnages qui dialoguent ou s’adressent à lui. Il y a là une originalité très réussie.
Cette pièce rend justice au style élégamment désespéré des auteurs nordiques tout en interpellant utilement ceux ou celles qui peinent à sortir de leurs propres évaluations de la réalité.
Pierre FRANÇOIS
« Exploits mortels », de Rasmus Lindberg. Traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy. Mise en scène : François Rancillac. Scénographie : Raymond Sarti. Conception son, régie générale et son : Florian D’Arbaud. Chansons composées : Bernard Cavanna. Construction décor : Lycée professionnel Jules Verne – machine constructeur (Sartrouville). Avec : Léna Bokobza-Brunet, Christine Guênon.
Le 18 février à 10 h et 14 h au Lycée S. Weill de Dijon, le 19 février à 10 h et 20 h à la MJC Montchapet de Dijon, le 20 février à 14 h 30 et 20 h au Crédit Agricole de Dijon avec l’A.B.C Dijon (21). Du 8 au 10 avril 2025 avec la MAL De Thonon – Scène Conventionnée (74). Le 8 avril à 14 h 30 et 20 h 30 au Théâtre du Casino d’Evian, le 9 avril à 20 h dans la Salle du stade de Perrignier, le 10 avril à 14 h 30 et 20 h à la MJC de Douvaine. Du 14 au 18 avril en itinérance avec le Théâtre de L’union CDN de Limoges (87). Du 20 au 22 mai au Collège Marie Curie, avec le Théâtre du Garde-Chasse – Les Lilas (93).
Photo : Pierre François, d’autres sur https://www.instagram.com/pierrefrancoisphoto/.