IA menteuse.
« Qui a hacké Garoutzia ? » est une pièce intelligente et vivante que l’on s’attendrait à voir à « La Reine blanche ». En effet, écrite par trois scientifiques de haut niveau – qui n’en sont pas à leur premier livre –, elle décrypte une problématique avec lucidité. Celle du rapport entre l’humain et la machine dite intelligente sous les rapports du raisonnement intellectuel, de la mémoire ou de l’émotion.
Les deux défauts de ce spectacle sont largement compensés par ses qualités.
Est-ce la multiplicité des auteurs qui le veut ? Toujours est-il que le texte passe parfois du style vivant, oral et enlevé, à un genre plus introspectif et intellectuel, ce qui se traduit alors par un sentiment de baisse de rythme. Par ailleurs, les intonations, lors de la première et en fin de spectacle, finissaient par devenir un peu répétitives, comme si le catalogue des émotions à délivrer au public avait été limité.
Mais, on vient de le dire, il s’agissait de la première et chacun sait qu’une pièce qui arrive dans un nouveau lieu doit se rôder un peu avant de trouver son allure de croisière.
Les mérites de ce spectacle sont nombreux. D’une part, il humanise un débat qui n’est trop souvent posé que de façon intellectuelle (et passionnelle, ce qui est paradoxal si tant est que l’on considère l’intellect comme l’expression de la raison). D’autre part, il met en évidence des dimensions auxquelles on pense peu, notamment celle de la machine comme mémoire quasi infaillible à côté de l’humaine, et donc pouvant perpétuer son souvenir (il y a déjà des années qu’existent des enregistrements de personnes défuntes à voir ou écouter dans certains cimetières) aux lieux et place d’une connexion avec un au-delà. Enfin, il pose la possibilité pour la machine d’être reprogrammée pour éviter une trop importante perte de mémoire, avec les conséquences possibles en matière de données personnelles.
On croit aux personnages, tous aussi déjantés les uns que les autres, mais avec une modération qui les rend attachants et crédibles. On croit tout autant à la situation et, surtout, on sent qu’elle est à peine d’anticipation. Faire tenir le rôle d’un robot par une comédienne en chair et en os était osé, mais, là aussi, on y croit complètement. Les transitions en coupes franches entre les scènes entretiennent un rythme en même temps qu’elles font avancer l’intrigue. Bref, c’est une pièce qui a su doser les proportions de divertissement et de réflexion avec assez de précision pour que l’on apprenne vraiment, tout en riant.
Pierre FRANÇOIS
« Qui a hacké Garoutzia ? », de Serge Abiteboul, Laurence Devillers et Gilles Dowek. Avec Léa Tuil, Sandrine Briard, Guillaume Loublier ou Marco Caraffa, Lisa Bretzner. Mise en scène : Lisa Bretzner. Musique : Youenn Lerb. Lumières : Mathilde Flament-Mouflard. Le mardi à 19 h 30 jusqu’au 31 décembre (relâche les 26 novembre et 24 décembre) à La Scène parisienne, 34 rue Richer, 75009 Paris, prog.lasceneparisienne@gmail.com, tél. 01 42 46 03 63. Métro Grands Boulevards, Le Peletier, Cadet. https://www.lasceneparisienne.com/spectacle/qui-a-hacke-garoutzia/
En outre, elle sera jouée le 26 novembre à Nancy.