Théâtre : « Nagasaki », adapté par Olivier Cruveiller, d’après le roman d’Éric Faye, au 100ecs, rue de Charenton, à Paris.

La sensibilité au rythme des mots.
L’adaptation de « Nagasaki » d’Éric Faye, Grand Prix de l’Académie française en 2010, fait revivre sur la scène l’atmosphère raréfiée et raffinée d’une histoire ordinaire, scandée par des gestes, apparemment banals, qui permet de s’attarder sur le silence et le non-dit.
La mise en scène d’Olivier Cruveiller et de Barthélémy Fortier, déploie un monde d’autrefois, où le rythme du temps est scandé par les sentiments et les souvenirs. Grâce à des comédiens qui s’emparent de la délicatesse du récit, nous restons suspendus au rythme des émotions.
On assiste à la délicatesse et à la tristesse d’une rencontre dans le départ. Deux êtres qui s’effleurent et s’éloignent. Le conte des protagonistes est délicat, souligné par les mouvements des décors dans l’espace. Un espace, qui devient, lui aussi, protagoniste de la narration.
C’est dans cette ambiance que l’on suit les protagonistes qui nous traînent vers une enquête à rebours dans l’intimité des évocations et des fantômes du passé. Tout comme les sentiments, l’espace, lui aussi, reste enfermé. Cela cache un monde que l’on n’arrive pas à expliciter. Des fantômes qui doivent rester confinés.
Aidé par une scénographie épurée et graphique, qui participe à la construction narrative, par une lumière qui émet les couleurs de l’âme des protagonistes et par une bande sonore qui invite à la contemplation, « Nagasaki » nous permet de rester suspendu dans un temps qui oscille entre le présent et le passé, entre le vécu et les souvenirs, entre ce qu’on aurait envie d’exprimer et la réticence. Tout reste loin des bruits, de la frénésie et de l’arrogante distance aseptique de la vie qui nous entoure.
On est témoin de la solitude des individus et de l’effondrement des êtres sensibles, qui ne sont que des ombres parmi la dureté de la vie.
Carlo BIGGIOGGERO
« Nagasaki », d’Eric Faye. Adaptation et mise en scène : Olivier Cruveiller. Collaborateur artistique et co-mise en scène : Barthélémy Fortier. Avec Nina Cruveiller, Natalie Akoun, Olivier Cruveiller. Musique (violon, bandonéon) : Laurent Valéro. Au 100, rue de Charenton 75012 Paris, du jeudi au samedi à 20 heures jusqu’au 8 avril. Réservations : 01 46 28 80 94, www.100ecs.fr

Photo : Pierre François, d’autres sur https://www.instagram.com/p/CqL5NyUo0-C/

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