Livres : « Du Fanatisme, quand la religion est malade », d’Adrien Candiard, aux éditions du Cerf.

Actuel.
« Du fanatisme », d’Adrien Candiard est un livre hybride et passionnant. Hybride parce que l’auteur confesse dès l’abord parler ici – contrairement à ce qu’il fait dans d’autres ouvrages – à la fois en tant que scientifique chercheur spécialiste de l’islam et en tant que croyant et homme de prière. Passionnant parce que le langage en est clair, que la progression est invisible et que les nécessaires répétitions s’enrichissent à chaque fois d’une nouvelle dimension.
De quoi s’agit-il ? Sûrement pas de la « radicalisation », mot qu’il rejette pour son imprécision. Mais bien du fanatisme, celui déjà dénoncé par Voltaire, qui ne visait alors pas l’islam…
Le point de départ de l’ouvrage se trouve dans une anecdote dramatique : un « islamiste » (encore un mot qui n’a pas l’heur de lui plaire) tue un musulman écossais parce qu’il a offert des œufs de Pâques à ses voisins chrétiens. Plusieurs démonstrations suivent alors.
Il explique comment ce geste se rapporte à une branche – et une seule ! – de la théologie musulmane, laquelle rejette tout discours sur Dieu pour ne privilégier que ses commandements, ce qui aboutit à l’idée qu’être c’est faire (donc offrir des œufs de Pâque, c’est être chrétien, ce qui est une apostasie, donc puni de mort).
Que la théologie, loin d’être une science superflue, est le fondement du respect des croyances dans la mesure où aucune famille théologique ne dit tout sur Dieu, le Vivant par excellence, donc irréductible à une théorie ou une autre.
Que le fanatisme, loin d’être un excès de croyance est au contraire le fruit d’une idolâtrie, d’un refus de la vie de Dieu en nous, laquelle nous mène en principe de conversion en conversion. On remplace alors Dieu, l’insaisissable, par une de ses manifestations ou conséquences. « Le problème, dit l’auteur, avec Dieu, c’est qu’on ne peut pas le maîtriser ni l’utiliser ; s’il est le vrai Dieu, le Dieu vivant, on ne peut s’en saisir pour en faire un instrument de pouvoir. Dieu seul est Dieu, ne cesse de nous enseigner la vie spirituelle, qui formule en nous de ces tautologies qui semblent ne rien vouloir dire, jusqu’au jour où elles s’ouvrent et se révèlent, éblouissantes, enthousiasmantes. Dieu seul est Dieu et rien d’autre. Dieu seul est Dieu, et il m’aime. Ses commandements ne m’aiment pas, la liturgie ne m’aime pas, la Bible ne m’aime pas, la morale ne m’aime pas. Mais tous ces éléments ne sont pas Dieu. Lui seul est Dieu, et il m’aime. Nous n’avons pas de trop d’une vie pour le comprendre. ». La laïcité, au sens de l’effacement de tout enseignement religieux, fait alors le lit des fanatismes, la nature ayant horreur du vide.
On vous l’avait dit : ce livre mélange les genres. Mais entendre les confidences d’un « homme de Dieu » sur sa vie spirituelle a quelque chose de rassurant et de dynamisant. Si lui a ces difficultés, alors les miennes sont tout à fait normales et compréhensibles et il n’y a pas de raison de désespérer. Avançons donc, en compagnie de ce petit livre de presque spiritualité, sur un chemin qui éclaire les obstacles mis à la compréhension de ce nouveau genre de terrorisme, même s’il ne les supprime pas.
Pierre FRANÇOIS
« Du Fanatisme, quand la religion est malade », d’Adrien Candiard. Éditions du Cerf, 90 pages, ISBN 978-2-204-14080-5, 10 €. https://www.editionsducerf.fr/librairie/r/resultats?q=fanatisme

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