Théâtre : « Valjean », d’après « Les Misérables » au théâtre Essaïon.

Reprise après succès.
Point n'est besoin d'être grand clerc pour deviner de quoi la pièce « Valjean » parle. Il s'agit d'extraits de l’œuvre de Victor Hugo mis bout à bout d'une façon qui coule bien. Les deux seules adaptations consistent dans le fait que tout a été mis au présent de l'indicatif et à la première personne du singulier. En effet, le ton adopté est celui de la confession passionnée et de la méditation intérieure, voire du cas de conscience (quand par exemple un vagabond est pris pour lui et risque le bagne à perpétuité).
Le comédien intériorise bien le personnage. Les lumières bien dosées y aident. On revisite « Les Misérables » par ses yeux. Même ceux qui connaissent l'histoire y découvrent parfois un nouvel angle. Par exemple, un des spectateurs a pu réaliser que Fantine comme lui étaient des orphelins rejetés de la société, ce qui crée un lien fort entre eux et explique l'attachement qu'il a pour Cosette. En définitive il est autant le fils de Valjean que ce dernier est le double masqué – parfois par anticipation, la durée d'exil de l'un est égale à celle au bagne de l'autre alors que le livre est paru avant le départ pour Guernesey – de Hugo.
Il y a trente ans que le comédien vit avec le personnage de Valjean en lui. Il l'avoue du bout des lèvres sans donner de détail, mais Valjean a été son grand frère, son modèle, celui qui lui a permis de se construire, de changer aussi. Car s'il a commencé, jeune, son interprétation en mettant en valeur la rage contenue (« je condamne la société à ma haine »), maîtrisée en même temps que source d'une énergie indomptable, il a enrichi la psychologie de son héros au point de montrer comme une évidence que le principal ressort de la vie est l'amour. Ne termine-t-il pas sa pièce par les propos de Valjean à Cosette et Marius « Aimez-vous bien toujours. Il n'y a guère autre chose que cela, s'aimer ». De ce parcours intérieur le spectacle est manifestement enrichi. Et si l'univers sonore est d'un réalisme concret (bruits de gouttes dans les égouts, par exemple), on sent que l'univers psychologique nous rejoint dans la mesure où il manifeste le même réalisme, mais du point de vue spirituel.
Pierre FRANÇOIS
« Valjean », d'après « Les Misérables ». Adaptation et interprétation : Christophe Delessart. Mise en scène : Elsa Saladin. Lumières : Johanna Dilolo. Son : Tristan Delessart. Traduction : Perrine Millot. Every friday in english. Du jeudi au samedi à 19 h 30 jusqu'au 19 janvier au Théâtre Essaïon, 6, rue Pierre au lard, 75004 Paris, métro Hôtel-de-ville ou Rambuteau, tél. 01 42 78 46 42, www.essaion.com

Photo : Pierre Francois.

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