Reconstitution comique.
« Le Mariage forcé » qui se joue au Théâtre de l’épée de bois avant de partir en tournée est une curiosité. En effet la pièce est – bien – jouée à la façon dont elle l’était à l’époque de Molière et Lully. Et ce qui aurait pu être une reconstitution hermétique à notre entendement actuel est passionnant. Car les codes ont peu changé. Le geste de tourner deux doigts près de la tempe n’est pas éloigné de la pratique d’aujourd’hui pour exprimer l’action de penser, mettre la main sur la poitrine est toujours actuel, former un anneau avec les doigts pour dire le mariage est transparent… L’éclairage grâce à une triple rangée de chandelles au sol et à des lustres donne une lumière plus dansante, plus vivante. Le maquillage et les chemises blanches pour faire ressortir les expressions du visage compensent bien une intensité plus faible qu’avec l’électricité.
Le clavecin, le violoncelle et la flûte en bois, s’ils sont discrets dans leurs interventions n’en sont pas moins agréables : non seulement la musique est bonne mais leur présence change aussi toute l’ambiance de la pièce. Bien que ce soit là une farce, cette dimension se retrouve atténué : on rit beaucoup, certes, mais sans jamais avoir l’impression que les personnages ont sombré dans l’outrance puisqu’il y a d’autres centres d’intérêt que les seules répliques. Par ailleurs, le jeu particulier de l’époque – prononcer toutes les lettres, toujours rester face au public pour bien projeter la voix même si on s’adresse au personnage qui est à côté de soi, grimacer*… – crée un intérêt, et une source d’humour, supplémentaire. À ce dernier sujet, il est à noter que dans cette pièce ce ne sont ni les femmes – quoique… – ni les médecins qui sont l’objet des piques de l’auteur, mais les philosophes, et l’effet n’en est pas moins drôle !
Pierre FRANÇOIS
« Le Mariage forcé », de Molière. Mise en scène : Jean-Denis Monory assisté d'Alain Jacot. Avec : Enrique Medrano, Philippe Vuilleumier, Alain Jacot, Garance La Fata, Jacint Margarit, Estefania Casanovas i Villar (direction musicale, claveciniste), Anthony Rivera (baryton), Nadja Camichel, Dimitri Kindynis (musiciens). Scénographie : Valère Girardin. Direction technique : Dominique Dardant. Costumes : Chantal Rousseau. Production : Compagnie Mandragore.
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 16 heures jusqu'au 5 mars au Théâtre de l'épée de bois, Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris.
Puis au Pré-aux-Moines, Théâtre de Cossonay, Cossonay (Suisse) le 10 mars à 20 heures, à l’Espace Culturel Le Parc, Ribeauvillé (68) le 11 mars, au CCN du Pommier de Neuchâtel (Suisse) du 14 au 16 mars à 20 heures, au festival Les Soirées d'Eté, Château de Machy (Lyon) du 29 juin au 2 juillet et au Centre culturel de Jouy le Moutier, dans le cadre du Festival Baroque de Pontoise (95) le 20 octobre.
*On disait à l’époque au sujet de Molière que « jamais personne ne sut si bien démonter son visage ».
Photo : Pierre Francois