Théâtre : « Fabrice Luchini et moi », de et avec Olivier Sauton au Théâtre La Bruyère à Paris.

Précision importante.
L'article qui suit, sur « Fabrice Luchini et moi », était déjà publié au moment de la révélation de l’antisémitisme violent du comédien (cf. par exemple : http://www.sceneweb.fr/bref-olivier-sauton-luchini-planches-antisemite-twitter/). 
Il serait donc hypocrite de l’effacer a posteriori.
Par contre, la confrontation d’un tel talent et d’idées aussi primaires chez une même personne pose une fois de plus la question de l’aptitude de la culture à affiner le genre humain. Pour rester dans le domaine théâtral, on rappelle que lorsque José Valverde faisait jouer la pièce « Le Procès du général  Aussaresses » à l’Essaion, il faisait remarquer que ce dernier citait Cicéron dans le texte à l’audience. Et qu’il y a actuellement à l’affiche une pièce (« La jeune fille et la mort », à la Manufacture des abbesses, très bien jouée) qui parle d’un bourreau argentin qui torturait ses victimes en écoutant du Schubert.

Deux en un.
« Déjà plus de soixante-cinq mille spectateurs » proclame l’affiche de « Fabrice Luchini et moi ». On les comprend ! Ce spectacle est hilarant : l’imitation de Luchini est parfaite au point que ce dernier prétendit que de se voir à la fois dans la salle (le jour où il est venu voir la pièce) et sur scène était un choc qu’il n’avait pas encore vécu en plusieurs décennies de psychanalyse. 
Mais la pièce met aussi face-à-face deux conceptions de la culture, de la vie. 
D’un côté, il y a le maître qui ne l’est devenu qu’à force de mâcher et remâcher les textes des grands auteurs d’une part, d’en interpréter sans cesse toutes les nuances d’autre part, de sentir les imperfections de son talent enfin. 
De l’autre côté, il y a le naïf dont toute la culture transite par l’écran de son ordiphone, sur lequel il zappe sans cesse et qui juge superflu tout ce qu’il ignore.  Il vit dans l’immédiateté, la superficialité et les certitudes.
Cette pièce est donc aussi celle d’une rencontre, des hauts et des bas qui la constituent, de la découverte réciproque de l’autre et de sa culture, de l’espérance que l’on met dans autrui. De ce point de vue elle est très touchante et tape dans le mille, spécialement lors des passages qui correspondent à des situations vécues. C’est un spectacle solo et pourtant on a bien l’impression d’assister à une confrontation ! Qui, finalement, réconcilie les générations. L’exercice était périlleux, mais il est réussi : jamais le comédien ne tombe dans la caricature, jamais il ne se contente de faire rire gratuitement, c’est très fort !
Pierre FRANÇOIS
« Fabrice Luchini et moi », de et avec Olivier Sauton. Du mercredi au samedi à 19 heures au Théâtre La Bruyère, 5, rue La Bruyère, 75009 Paris, métro Saint-Georges, tél. : 01 48 74 76 99.

Photo : Gaelic.

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