Théâtre : « Une trop bruyante solitude » au Théâtre de Belleville à Paris

Assassinat de l'esprit
« Une trop bruyante solitude » est une pièce aussi éprouvante que bien jouée. S'il est vrai que durant les trois premières minutes, on se demande où on est tombé, on est très rapidement pris par le récit et le rythme de ce texte ainsi que par son interprétation. Au point qu'on se demande si on pourrait le jouer différemment sans perdre en qualité. Car ce spectacle solo capte son public (malgré une ou deux longueurs) d'une manière incroyable !
On est pourtant bien loin du registre comique : il s'agit de l'histoire, publiée en 1976 sous la forme de « samizdat », d'un ouvrier pragois devant quotidiennement mettre au pilon les livres rejetés par la censure et cherchant à s'en nourrir. Le thème est voisin de celui du « Liseur du 6 h 27 ». à ceci près qu'ici on se noie dans le tragique le plus noir. Sans doute la force du texte tient-elle au fait que son auteur, Bohumil Hrabal, eut lui-même maille à partir avec le régime communiste. Quant à celle de l'interprétation, elle tient en entier dans un jeu qui met en valeur la richesse poétique du verbe et la profondeur de la pensée désespérée qui sous-tend l'ensemble. Certes, ce spectacle n'est pas à voir un jour de dépression, mais on tient là une angoisse contemporaine – l'assassinat de la pensée – qui interroge les consciences aussi fortement que les tragédies classiques.
Pierre FRANÇOIS
« Une trop bruyante solitude », de Bohumil Hrabal. Avec Thierry Gibault mis en scène par Laurent Fréchuret. Jusqu'au 29 mars le lundi à 21 h 15 et le mardi à 19 h 15 au Théâtre de Belleville, 94, rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris ; métro Goncourt ou Belleville. Tél. : 01 48 06 72 34, reservation@theatredebelleville.com, www.theatredebelleville.com

Photo : Pauline Le Goff.

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