Théâtre : « Pygmalion » au Théâtre 14, à Paris

Certains l'aiment Shaw, par Difouaine
Transformer en six mois une humble vendeuse de cigarettes en duchesse reçue à Buckingham palace, c'est le pari risqué du professeur de Higgins et de son collègue Pickering. Pour cela, les cours intensifs de phonétique et de bonnes manières pleuvent sur la pauvre Elisa Doolittle. Telle la statue Galatée façonnée par Pygmalion, le cobaye est corrigé et rééduqué. La transformation est laborieuse et donne lieu à quelques couacs inconvenants et savoureux avant la fameuse soirée.
Pygmalion, célèbre pièce de Bernard Shaw, abonde de merveilles : comique de classes, misogynie et misanthropie féroces, bons mots et humour anglais… Pourtant, derrière cette drôlerie, se posent des questions sérieuses : n'est-il pas cruel de sortir quelqu'un de sa misère sans se soucier de son devenir? Peut-on changer de condition sans y être préparé? Maîtriser le langage revient-il à s'élever socialement? Cette ambition rend-elle plus heureux? La réponse de Bernard Shaw hésite entre conformisme réactionnaire et optimisme. Chacun donnera la suite qu'il souhaite à la fin ouverte.
La présente mise en scène est assez inventive (emploi amusant de la video pour le générique ou pour d'habiles actualités). On ne trouvera pas le même éclat que dans de la somptueuse comédie musicale My fair lady, son adaptation filmée – ce n'était d'ailleurs pas l'objectif de la mise en scène. Pourtant, quelques morceaux sont gentiment chantés (notamment le joli duo "ABCD…") ou dansés (Freddy et Eliza). Le jeu des comédiens enfin est rafraîchissant : le professeur Higgins est tonique et cabotin en diable, la gouvernante imperturbable, Pickering gentleman jusqu'au bout des ongles, Mrs Higgins polissée en toute occasion, Doolittle truculent, Freddy chevalier servant. Le rôle central d'Eliza est difficile car évolutif, tout en nuances. Pour sa première prestation au théâtre, Lorie tire plutôt bien son épingle du jeu.
Voici une pièce à voir, pour le plaisir des bons mots et de la situation douce amère. On passe un bon moment, léger, réjouissant et sympathique.
Difouaine
« Pygmalion », de Bernard Shaw. Traduction et adaptation : Stéphane Laporte. Mise en scène : Ned Grujic. Avec : Lorie Pester, Benjamin Egner, Sonia Vollereaux, Jean-Marie Lecoq, Philippe Colin, Claire Mirande, Emmanuel Suarez et Cécile Beaudoux Au Théâtre 14, jusqu'au 27 février 2016, les mardi, vendredi et samedi à 20h30, les mercredi et jeudi à 19h, matinée le samedi à 16h. Au 20, rue Marc Sangnier 75014 Paris, métro Porte de Vanves. Location : 01.45.45.49.77 ou www.theatre14.fr
Photo : Lot