Théâtre : « Le Poisson belge », de Léonore Confino, au Théâtre La Pépinière à Paris.

Touchant.
Parler de la difficulté de vivre quand on est différent est un grand classique. Le thème est ici abordé avec humour, poésie et inventivité de sorte qu'on apprécie d'abord le (bon) divertissement avant de se rendre compte de la profondeur du propos.
En effet, « le Poisson belge » est un spectacle plein de tendresse au sujet de la difficulté à vivre différent. Il illustre aussi assez bien la façon dont le théâtre utilise des hypothèses marginales pour exprimer des sentiments universels. L'argument de départ est assez classique : une adolescente qui fugue réussit à convaincre un célibataire assez endurci de l'accueillir un moment, qui se révélera être moins court que celui prévu au début.
Et il ne faut pas s'y tromper : si à l'occasion on découvre que l'adulte a besoin d'être maltraité pour se sentir aimé ou que la jeune fille est en fait une sirène, c'est infiniment moins (d'ailleurs ces points sont très peu développés) pour parler du sado-masochisme ou du travestissement que pour introduire le spectateur dans une faille entre cauchemar et rêve, au-delà de la vie habituelle. C'est une excellente idée dans la mesure où le texte, riche et aux accents poétiques, se prête parfaitement à cette initiative.
Ce qu'on explore alors avec les personnages, c'est la façon dont « la valeur n'attend point le nombre des années » pour circonvenir la (fausse) fermeté d'un adulte récalcitrant à l'idée même d'inviter une étrangère sous son toit, c'est la délicatesse dont est capable ce dernier, c'est le sentiment de culpabilité qui ronge tout un chacun à chaque fois pour un motif différent, c'est le respect que chacun porte à l'autre au-delà des façons rogues ou madrées qu'on a de le traiter.
S'il est vrai qu'on a un peu de mal à entre dans la pièce durant les trois premières minutes, une fois le saut fait c'est un vrai plaisir de se laisser promener au fil des sentiments exprimés par les comédiens. On est alors complètement pris, on rit régulièrement de la façon dont chaque personnage maîtrise plus ou moins l'autre, on s'amuse de la façon dont la gamine rapporte les dialogues de ses parents psy, on est curieux de voir comment cette histoire va se terminer, on est touché par un texte d'une vraie intelligence et subtilité.
Pierre FRANÇOIS
« Le Poisson belge », de Léonore Confino. Avec Marc Lavoine et Géraldine Martineau. Mise en scène : Catherine Schaub. Du mardi au samedi à 21 heures, matinée le samedi à 16 heures au Théâtre La Pépinière, 7 Rue Louis Le Grand, 75002 Paris. Tél. : 01 42 61 44 16, www.theatrelapepiniere.com.

Photo : Christophe Vootz.

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