« Le Sel de la terre » se présente comme une biographie de Sebastião Salgado*, ce photographe mondialement connu qui obtint le World Press en 1985** pour son travail sur la famine en Éthiopie. Il travaille exclusivement en noir et blanc, de préférence en contre-jour ou en éclairage rasant et s'inspirerait des peintres de la Renaissance pour composer ses images. Mais ce qui le caractérise le plus est sa capacité, exceptionnelle dans ce métier, à photographier la misère tout en sauvegardant la dignité des personnes.
Wim Wenders, qui depuis des années travaillait avec une photo de Salgado dans son bureau, finit par le rencontrer un jour. Le photographe aventurier avait alors commencé à travailler avec son fils, cameraman, qui désirait enfin connaître un père si souvent absent.
Ce dernier propose au réalisateur de se joindre à eux pour un nouveau reportage. Il ne se fait pas prier ! Ce film documentaire, qui mêle noir et blanc et couleur, est le fruit de cette rencontre. Il donne à voir les photos du maître commentées par lui-même, les interrogations du fils, les réflexions du cinéaste, dans un patchwork particulièrement réussi. Alors que le film se présente comme une biographie linéaire, il est cependant construit comme une pièce classique, avec une scène d'exposition puis des péripéties, le tout aboutissant à une crise et enfin une conclusion positive.
Au fur et à mesure que l'on voit et revoit ce film s'ancre l'idée de sa dimension spirituelle derrière un amour réaliste des petits. On y voit d'abord une prière laïque. Il n'est en effet pas question de récupérer l'humanisme du photographe pour en faire un croyant malgré son silence à ce sujet. On y perçoit ensuite la poésie d'un psaume. En effet, le film montre avec évidence et toute la noirceur et tout ce qu'il y a de positif dans la nature humaine.
Et, la maturation se poursuivant dans l'esprit du spectateur, on en vient à se rendre compte que nous ne sommes plus à une période où l'on peut se contenter d'une vision spiritualiste et déconnectée de la réalité. Ce que le film nous montre, en filigrane et pour un esprit qui y est sensible, certes, c'est aussi que les guerres, toutes ridicules qu'elles soient à l'échelle du monde, ne sont pas aussi destructrices qu'il y paraît (gageons au passage que les photos de Salgado lui-même, par leur force, ont fait reculer plus d'un gouvernant, même si, comme pour les attentats évités par les services de renseignements, on ne pourra jamais en avoir de preuve chiffrée). Ce qui est en tous cas montré avec une évidence incontestable, c'est que les misères du monde, spécialement dans leur aspect écologique, sont rattrapable !
Pierre FRANÇOIS
*http://www.unicef.org/french/salgado/bio.htm
ou, plus complète : http://www.photophiles.com/index.php/biographies/38-sebastiao-ribeiro-salgado.html
**pour une liste complète de ses distinctions et une bio de sa femme, sans laquelle il n'aurait pas pu devenir ce qu'il est aujourd'hui : http://www.amazonasimages.com/qui-sommes-nous
Photo : Wilson Dias/ABr — Agência Brasil / licence Creative Commons paternité 3.0 Brésil