Elf, la pompe Afrique et Avenir radieux, une fission française au Grand Parquet (et au CDN La Commune d’Aubervilliers pour Elf)

« Elf, la pompe Afrique » est la reprise d’un spectacle créé en 2004 qui n’a jamais cessé de tourner depuis, « Avenir radieux, une fission française » a été créé en 2011 avec le même destin. Il s’agit de deux spectacles solo donnés en alternance par le même auteur et interprète.

On est clairement dans du théâtre engagé, et à la sortie on trouve un stand de livres et de sac frappés du logo du soleil souriant comme aux plus belles heures des manifestations anti-nucléaires, ce qui ajoute une touche gentiment rétro à l’ambiance dégagée par ces spectacles. Si on peut s’amuser de ce fait, il y en a un autre qui fait frémir, c’est que les deux spectacles sont « verbatim » : ils ne sont constitués que de paroles effectivement prononcées par les protagonistes et décideurs de l’époque. Et on réalise combien – et il n’est plus question ici de droite ou de gauche dans la mesure où l’alternance politique n’a rien changé aux choix faits par des personnes issues des services secrets – les décisions qui ont été prises l’ont été pour des motifs très différents de ceux affichés et ont été l’aboutissement d’une intoxication exemplaire. L’exactitude des propos tenus est telle que quand l’État major d’Elf est venu voir la pièce le comédien n’a pas entendu un mot de contestation des faits mais juste ce commentaire : « A chacun son tour d’être dan la lumière, Lambert ».

D’un point de vue technique, le spectacle sur l’histoire du nucléaire offre plus de rebondissements et de surprises, est plus prenant, que celui sur le procès Elf dans la mesure où il fait intervenir plus de personnages. Il offre aussi des projections plus nombreuses, le tout donnant un rythme plus enlevé à ce qui est en fait une saga qui a débuté avec l’ère de Gaulle.

Celui sur l’histoire de la société Elf et ses buts secrets à travers les propos tenus lors du procès par Loïc Le Floch Prigent, André Tarallo, Alfred Sirven, André Guelfi et le juge possède une force documentaire plus évidente : on n’est pas dans la reconstitution d’un puzzle mais dans les minutes d’un procès. Le comédien a assisté à toutes les audiences, a pris en note ce qui s’y disait, a observé les attitudes des protagonistes et réussit à faire parler même les silences des uns et des autres (et pas seulement des accusés, mais aussi du président de chambre…) à travers des changements d’attitude ou des mimes. Les tons des uns et des autres sont nettement différenciés et paraissent tous naturels. On reste coi devant l’apparente facilité avec laquelle il enfile puis se défait de chaque personnage au fur et à mesure des dialogues.

Le plus spectaculaire, dans les deux spectacles, est que ce qui a l’apparence d’apartés spontanés fait partie du texte. Mais on est tellement pris par le récit qu’on entre complètement dans le jeu, d’autant plus qu’il n’y a pas une phrase de trop, que la moindre ligne apporte son lot d’information. Et pourtant on ne se sent pas écrasé sous le poids des informations transmises, car le style reste oral et léger, captivant en sommes.

Ces textes ont heureusement été publiés de sorte qu’on peut garder une trace de cette synthèse documentaire mâtinée d’humour et de commentaire politique (mais est-on encore dans la politique quand on énonce des vérités de bon sens). C’est aux éditions L’Échappée et on a rarement vu un travail de cette qualité à un prix aussi compressé que la synthèse offerte.

 Pierre FRANÇOIS

« Elf, la pompe Afrique », de et par Nicolas Lambert. Les 22 et 27 février ainsi que le 1er mars à au théâtre Le Grand Parquet, 35, rue d’Aubervilliers (Jardins d’Éole), PARIS 18, résa : 01 40 05 01 50, puis du 13 au 16 mars à La Commune, Centre Dramatique National d’Aubervilliers, 2, rue Edouard Poisson, 93 Aubervilliers, tel : 01 48 33 16 16.

« Avenir radieux, une fission française », de et par Nicolas Lambert. Les 23 et 28 février ainsi que le 2 mars à au théâtre Le Grand Parquet, 35, rue d’Aubervilliers (Jardins d’Éole), PARIS 18, résa : 01 40 05 01 50

« Elf, la pompe Afrique », de Nicolas Lambert. Édition établie par Nicolas Lambert et Samuel Foutoyet. Préface de François-Xavier Verschave, dessins de Otto T. 125 pages, ISBN 978-29158308-2-8, dépôt légal 2e trimestre 2014, 10 €, Éditions L’Échappée, 32, av. de la Résistance, 93100 Montreuil, www.lechappee.org, lechappee@no-log.org

« Avenir radieux, une fission française », de Nicolas Lambert. Édition établie par Jean-Luc Porquet avec Jean-Baptiste Bernard et Erwan Temple. Dessins de Otto T. 125 pages, ISBN 978-29158306-6-8, dépôt légal juin 2012, 10 €, Editions L’Échappée, 32, av. de la Résistance, 93100 Montreuil, www.lechappee.org, lechappee@no-log.org

Photo : Benoît Acton.

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