« Chants d’exil » est une création du Théâtre du Balcon à Avignon qui a pris pour thème la face intime de Brecht, en faisant se succéder dans un spectacle musical – la marque de fabrique de Brecht étant le style cabaret – poèmes, chansons, anecdotes et témoignages.
Le résultat est parfaitement réussi. Le bandonéon plaît même à ceux qui sont allergique au son nasillard de l’accordéon, les textes et anecdotes montrent un Brecht dépouillé de sa cotte de maille idéologique, le jeu du récitant-interprète est assez varié pour permettre des surprises régulières. Il se dégage du spectacle une atmosphère de nostalgie et de conte, même si certains épisodes – on décrit quand même la vie de Brecht et le contexte historique de l’époque – rappellent des heures sombres de notre humanité. La mise en scène et les éclairages (un peu parcimonieux cependant) donnent une profondeur inhabituelle à la scène.
Il y a quelque chose de très intéressant à découvrir par quel bout de lorgnette une personne d’écriture, donc vivant quand même dans un monde parallèle, peut appréhender la réalité brute de son époque. Le moment le plus fort de ce point de vue est sans doute la citation : « ce n’était qu’un prélude, là où on brûle les livres, on finira par brûler les hommes ». angle particulier pour saisir la réalité mais hélas pas faux… et Serge Barbuscia n’oublie pas de rappeler que pour connaître notre avenir il est utile de regarder le passé.
Pierre FRANCOIS
« Chants d’exil, poèmes et chansons : Bertolt Brecht », de Serge Barbuscia. Avec Serge Barbuscia, Aini Iften (chant), Yvonne Hahn (bandonéon). Au Théâtre de Lenche, place de Lenche, 13002 Marseille du 18 au 22 février, réservations : 04 91 91 53 22. Au Théâtre Aimé Césaire, rue Victor Sévère, Fort de France, Martinique du 13 au 15 mars, réservations : 05 96 59 43 29.

Photo : André Guerrand.