Théâtre : « À qui elle s’abandonne », l’entretien.

Lumineuse complexité.
« À qui elle s’abandonne » est une pièce qui mérite que l’on revienne dessus. Spécialement pour demander à son auteure-interprète : « Mais où allez-vous donc chercher tout cela ?
Sauf qu’elle l’ignore elle-même. On aurait dû s’en douter : tous les auteurs qui pondent des œuvres remarquables disent qu’ils ne font que transcrire ce que les personnages leur dictent.
Ici, la réponse est à peine différente, le personnage étant issu en partie – dans quelle proportion, ce n’est pas dit – de la vie de l’autrice. Cette dernière parle d’un questionnement intime qui s’est traduit par une écriture d’un jet, en 2014, comme « un gros vomi ». Que pourtant elle a dû compléter une première fois pour la monter dans le cadre de l’Académie de la Comédie française (en 2017) à laquelle elle avait été admise ; puis une seconde (en 2023), lorsqu’il s’est agi de passer d’un texte de vingt minutes au format d’une heure pour le jouer au théâtre de La Flèche, aujourd’hui. Le fond, explique-t-elle, n’a jamais changé, par contre, il y a eu une grosse réflexion sur la dramaturgie pour décider de ce qui devait être supprimé, amplifié ou ajouté.
Si elle n’y pensait pas en écrivant, le résultat est celui d’une quête vers la lumière qui se traduit par un suicide sans souffrance, libre et presque joyeux. Mais, après avoir employé ce dernier mot, elle revient dessus et le rectifie pour parler d’un acte « doux, apaisé, tranquille, parce que, de toute façon, ce n’est pas la finalité ». L’origine de son travail a été un exercice donné par Pascal Rambert sur le thème de l’annonciation, non pas au sens religieux, mais de l’annonce de quelque chose de libre et lumineux qui va se produire. C’est alors que l’idée du retour vers des parents trop tôt disparus lui est apparue. Des parents qui ne sont que le prétexte d’une recherche, d’un désir d’évoquer le souvenir d’une absence. La communion entre l’auteure et les spectateurs tient aussi dans ce fait que, pour elle aussi, « c’est compliqué » de s’imaginer en train de chercher à revoir des parents pourtant inconnus. Au moment de compléter les premiers jets de son texte, elle lit énormément et écoute de la chanson française – notamment William Scheller – pour déclencher des flots de pensées.
Puis est venu le moment de l’épreuve de la scène. Les lieux ont été de toutes sortes avant d’arriver dans un vrai théâtre, de la salle de réunion au théâtre en appartement (beaucoup) en passant par les halls d’immeuble. Avec, à chaque fois, une mise en scène à l’image des possibilités offertes.
Le fruit de son travail est aujourd’hui mûr, on en est témoin.
Pierre FRANÇOIS
« À qui elle s’abandonne », de, avec et mis en scène par : Juliette Damy. Collaboration artistique : Nelly Pulicani. Lumières : Enzo Cescatti. Costumes : Blandine Achard. Dessin de l’affiche : Anne Kessler. Production et diffusion : Léa Couqueberg / Formica production. Avec le soutien de : Le CENTQUATRE-PARIS. Le jeudi à 21 heures jusqu’au 14 mars au théâtre La Flèche, 77, rue de Charonne, 75011, Paris. Métro : Charonne, Ledru-Rollin, Faidherbe – Chaligny. Tel. 01 40 09 70 40. https://theatrelafleche.fr/la-saison/a-qui-elle-sabandonne/

Peinture : Anne Kessler.

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