Musique : « The French Jukebox », d’Alex Scheuerer & Najwa Ezzaher.

Éternité revisitée.
« The French Jukebox » est d’abord le fruit d’un duo. Lui, Alex Scheuerer, compose, arrange et est à la guitare ; elle, Najwa Ezzaher, chante. Dans cet album, ils livrent des airs intemporels, éternels de la chanson française, de « La Javanaise » au « Paradis blanc » en passant par « La Bohême », « Je l’aime à en mourir », « Sans contrefaçon » et tant d’autres…
C’est une évidence : pas question d’imitation. S’ils respectent l’air original, ils l’illustrent selon leur sensibilité, largement influencée par le courant soul jazz qui a actuellement cours à Londres. En concert, on est frappé par la façon dont la puissance du rythme est complétée par la douceur du thème car, concédons-le, c’est là un discours d’amour. Le cd, de son côté, crée une atmosphère éthérée – à l’instar de Black radio ou Hiatus Kaiote – presque abstraite, n’étant ce fil sentimental permanent. Dans les deux cas, une ambiance intimiste berce les âmes. On a même vu, dans la cave du Sunset, les têtes des auditeurs hocher telles les vagues d’une houle se réfléchissant de quai à quai dans un abri.
Dans ce groupe international – Alex est franco-suisse, Najwa est franco-marocaine, les instrumentistes d’un peu partout, les manières de travailler anglaise – carrée et plus individualiste – et française – plus spontanée et collective – se mariaient efficacement. Une chose est sûre : cet album n’est qu’une étape dans leur vie musicale, tant ils se complètent bien.


Un duo, un album dans un style soul jazz illustrant des chansons impérissables, deux façons de travailler et deux personnalités qui se complètent.


Alex est passé par le Bimm college of music et s’est déjà exprimé au Spice of Life, l’on se rend compte qu’il intériorise toute son énergie. Najwa, découverte dans The Voice, est son parfait complément dans la mesure où elle extériorise autant qu’elle maîtrise toute sa vitalité. Les deux donnent des concerts ensemble depuis 2013, parfois pour des mariages ou fêtes – c’est la partie alimentaire – et parfois dans le cadre créatif. C’est lors de ces fêtes qu’ils ont remarqué que le public anglais leur demandait régulièrement des chansons françaises et que l’idée a germé de les arranger.
Comme Alex est depuis dix ans en Angleterre, il était inévitable qu’il compose en s’inspirant de l’environnement soul jazz qui est le sien sur place (ce qu’il faisait déjà dans son premier album en 2018, instrumental et un peu plus jazz que groovy).
Il est parti de vingt chansons mais, pour un grand nombre d’entre elles – notamment celles de Brel – s’est rendu compte qu’il était impossible d’y toucher sans les abîmer. C’est au bout d’un an et demi de travail qu’il est arrivé à un résultat définitif. L’enregistrement a eu lieu dans une salle indépendante qui leur permettait d’installer un musicien par salle et de tous les synchroniser en même temps, en septembre dernier.
Sur le fond, le défi était de trouver le juste milieu entre ce qu’il aimait et ce que le public pouvait accepter – on est donc dans une conception de l’artiste en relation avec son public et non dans sa bulle – tout en ne sacrifiant pas à son propre plaisir. Il ne voulait pas faire un arrangement qui aurait consisté à juste modifier le rythme. C’est par conséquent en partant de la mélodie – qui ne varie jamais, pas plus que les paroles – qu’il a donné une identité à chaque chanson, ce qui l’a parfois amené à changer l’ordre des couplets. Il a par ailleurs prévu qu’entre les parties qu’il a composées puissent se glisser des sections ouvertes à l’improvisation. Et le résultat est au rendez-vous, avec une tournée qui s’annonce en France et Suisse.
Pierre FRANÇOIS
« The French Jukebox », d’Alex Scheuerer & Najwa Ezzaher. Sur toutes les plateformes en ligne, quelques cd à la sortie des concerts.

Photo : Pierre François.

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