Livre : « Encore plus loin que Pluton », de Huang Chong-Kai, aux éditions L’Asiathèque.

Réalité dédoublée, par Clara.
L'auteur, né en 1981, appartient à la génération des « fraises », qui sert à désigner, à Taïwan, des individus qui s’abîment facilement, qui seraient fainéants, bons a rien, trop gâtés et trop sensibles.
Huang Chong-kai essaye d'explorer la société taïwanaise actuelle avec des mots simples. Ses personnages sont jeunes, urbains et cultivés. Le héros, confronté aux drames et conflits familiaux,  pose des questions sur les rapports entre les générations et la transmission des valeurs morales dans un monde sans repère. Il a obtenu plusieurs prix littéraires dont le prix du « nouveau jeune écrivain » du journal  United Daily.
« Encore plus loin que Pluton » est un roman métaphorique ambitieux qui traite à la fois de la place de l'écrivain dans son monde et de l'importance de l'imagination. Il représente un chemin initiatique de construction de soi et d'affirmation au sein du cocon familial.
Son interrogation part de la disparition de Pluton du système solaire. La planète n'a pas réellement disparu mais, selon les astronomes, en 2006, elle a perdu sa qualification de planète et a été reléguée au statut d'astre de moindre importance. Quelles implications cet événement scientifique capital aura-t-il sur le comportement de l'auteur et de son personnage  ?
Son héros est un créateur, un écrivain en construction, en évolution psychologique, il est fragile.
Tout d'abord il refuse de croire que l'Homme ait pu marcher sur la lune. Au fil du roman, il nous livre ses réflexions et les pérégrinations de son esprit. Il livre aussi la difficulté de construire des relations familiales stables dans un monde en perpétuels changements où tout est relatif.
Selon lui, aucune vérité n'est universelle. Les vérités sont ancrées dans une histoire, une culture, une société. La vérité est donc malléable et sujette à controverse. Et si l'univers tel qu'il est n'est pas satisfaisant, il suffit d'en inventer un autre. Le personnage décide donc de se créer un univers, au-delà de Pluton, où la réalité du monde est magnifique. Il ne lutte plus pour s'inventer une famille parfaite. Sa mère alitée n'est plus en train de souffrir en attendant la mort…
Dans ce roman, le vrai et le faux se confondent au fur et à mesure que le personnage principal, dont  on ne connaît même pas le nom, construit et détruit ses souvenirs. Il confond réel et phantasmes tout en cherchant à remplir son vide affectif, à travers ses errements identitaires. l'écriture de l'auteur (qui semble se raconter) est implacable et désabusée puisque aucune solution n'existe, aucune réalité n'est assez belle. Son récit est une promenade poétique où l'important n'est pas l'histoire mais le chemin parcouru par le personnage, qui restera toujours solitaire et incompris.
On peut juger de son identité fracassée par cet extrait : « J'ai l'impression qu'un observateur extérieur procède à un échantillonnage de mes rêves. Dans celui-ci il y a ma fille, ma mère et une femme au visage flou qui rit sous cape dans le lointain. Ma fille attire mon attention, je regarde son visage souriant. À force de sourire, ses yeux se plissent et le rempart de ses dents se découvre, elle me serre fort. Ce contact est trop réel, j'ai beau savoir que je rêve, je ne peux m'empêcher de demander : « C'est un rêve ? » Ma fille répond en souriant « C'est un rêve ! Papaaa, tu es en train de rêver ! » Je caresse ses doux cheveux en me disant que tout ceci est un rêve, un  rêve qui a déjà eu lieu. J'ai presque envie de lui parler de sa mamie, sa mamie qui est morte il y a si longtemps que même sa mère ne l'a pas connue. ».
Clara
« Encore plus loin que Pluton », de Huang Chong-Kai, aux éditions L'Asiathèque. Texte original en chinois (Taïwan) traduit par Lucie Moode . Première édition chinoise aux éditions Commabooks en 2012, parution française en 2018. www.asiatheque.com

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