Théâtre : « L’Ingénu », de Voltaire à La Folie théâtre, à Paris.

Comique voltairien.
« L’Ingénu » de Voltaire pourrait être présenté comme une version plus aboutie de « Candide » : les psychologies du Huron et de Gordon évoluent au cours du récit, qui fait preuve d’une réelle progression dramatique, ce qui n’est pas le cas de son conte philosophique paru en 1759. Lorsqu’il rédige « L’Ingénu » en 1767, Voltaire n’a plus rien à perdre ou à craindre, ce qui explique les attaques directes contre la révocation de l’édit de Nantes, le jansénisme – ex-æquo avec les Jésuites –  et les ravages de la guerre de sept ans (ce dernier thème était déjà abordé dans « Candide », par contre celui du tremblement de terre de Lisbonne n’est pas repris dans « L’Ingénu »). Si le texte de Voltaire a subi quelques coupes pour rentrer dans le temps d’un spectacle, elles ne nuisent ni à la beauté de la langue ni à l’humour ravageur du récit. Seul en scène, le comédien tient un rythme haletant d’un bout à l’autre du spectacle, ne le ralentissant que lorsque l’épisode de l’embastillement l’impose. On est suspendu à ses lèvres, qui font vivre les différents protagonistes de l’histoire. À chaque fois, l’expression de la mimique – car plutôt que d’interpréter un personnage auquel Voltaire n’a pas donné une épaisseur phénoménale, il valorise plutôt le trait de caractère du moment qui donne sens au récit et le fait rebondir – est juste et significative au point de nous subjuguer. Le désir charnel, mais retenu car cela ne se fait pas de le manifester clairement, de Mademoiselle de Kerkabon est traité de façon très drôle. Le comique incisif est d’ailleurs le principal trait de la pièce, quelle que soit la circonstance. Il n’y a qu’à la toute fin que Voltaire sait se montrer sensible et grave sans ironie, ce qui permet de conclure le récit par une morale. Mais, tout du long, une langue magnifique est magnifiquement servie.
Pierre FRANÇOIS
« L’Ingénu », de Voltaire. Avec  Thomas Willaime. Mise en scène :  Jean-Christophe Barbaud. Jeudi à 19 h 30, samedi à 18 heures jusqu’au 11 novembre À la folie théâtre, 6, rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris, métro Saint-Ambroise, tél. 01 43 55 14 80, www.folietheatre.com

Photo : Pierre François.

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