Théâtre : « Camille, Camille, Camille » au Lucernaire à Paris

« Camille, Camille, Camille » est une pièce étrange, réussie par certains côtés, déroutante par d’autres. Mais pouvait-il en être autrement dans la mesure où elle part des écrits de l’intéressée qui ne se déconnectera de la réalité que peu à peu et par moments ?

Sur le plateau, on est face à trois Camilles : la jeune élève de Rodin, la maîtresse en concurrence avec le maître, la vieille femme enfermée. Les transitions entre les moments où chacune intervient sont naturelles. L’absence de chronologie, de progression, n’est pas gênante. Chacune des trois est complètement crédible, même si parfois les éclats de voix sont exagérés eu égard à la dimension de la salle. Chacune frappe par la facette de personnalité qu’elle révèle, la jeune qui voit l’avenir s’ouvrir, la mûre qui est chahutée entre ses amours de femme ou de mère en passant par celui pour l’art, la vieille qui est la plupart du temps enfermée dans un monde d’illusions (pour échapper au bilan qu’elle dresse lucidement par ailleurs?). Toutes font le choix de ressembler aux portraits d’époque que l’on a de la sculptrice et y parviennent très bien.

Le souci est que faire voir le monde par ses yeux n’aide pas à comprendre clairement sa vie, spécialement lorsqu’elle évoque ses enfants et leur nourrice, qu’elle veut rejoindre (alors qu’elle a avorté). Il est donc nécessaire de connaître auparavant sa biographie pour pouvoir faire le tri entre ce qui relève du délire ou du factuel.

Dans la seconde partie du spectacle, les trois femmes discutent ensemble. On en conçoit un court moment de flottement, le temps de comprendre que c’est une façon d’examiner les possibles qui se sont proposés à elle (partir en Angleterre avec sa colocatrice d’atelier de 1884, Jessie Lipscomb, pour échapper à la séduction de Rodin qu’elle connaît en 1883, par exemple, ce qu’elle fit un court moment en 1886). Cette pièce , qui est aussi bien mise en scène que jouée, est donc à réserver aux personnes qui connaissent déjà la vie de Camille Claudel.

Pierre FRANÇOIS

« Camille, Camille, Camille », de Sophie Jabès. Avec Nathalie Boutefeu, Vanessa Fonte, Clémentine Yelnik et la participation de Geneviève Dang. Mise en scène de Marie Montegani. Du mardi au samedi à 18 h 30 jusqu’au 22 novembre au Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris, tél. : 01 45 44 57 34.

Photo : Ceccato.

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