Fania a titré son denier album « Animiste ». Un titre accrocheur en ces temps de recherche spirituelle, une musique rythmée et douce, au point d’évoquer parfois la tendresse d’une berceuse, il n’en fallait pas plus pour solliciter une interview.
Fania, C’est cette grande femme d’un mètre quatre vingt cinq d’une noirceur anthracite – elle est d’origine peul et soninké – et au grain de peau à faire se damner un photographe, qui fut d’abord mannequin chez J.-P. Goude et J.-P. Gaultier avant d’entrer dans les choeurs du groupe de musique de Touré Kunda puis de partir dans le groupe Kaoma qui se rendit célèbre en vendant en 1989 la chanson La Lambada à quatorze millions d’exemplaires.
Mais Fania Niang a rompu avec cette époque « commerciale », même si elle reconnaît qu’à ce moment là c’est ce qui lui a permis de devenir autonome financièrement et d’aider ses parents restés au Sénégal.
Depuis le début du siècle, elle mène une carrière solo dominée par une recherche de l’essentiel, tant au point de vue musical que personnel. Et, en l’écoutant, on s’aperçoit vite que celle qui a eu pour mère une percussionniste-chorégraphe-danseuse et pour grand-père un lettré musulman est d’abord une érudite intarissable sur les cultures africaines. Une polyglotte aussi, qui s’exprime aussi bien en français qu’en wolof, peul soninké, malinké ou anglais, jusque dans ses chansons.
Une des compositions, coécrite avec Richelle Dassin, et dont elle est fière est « Ma Robe noire », qui figurait sur son troisième album, « Silmakha ». Largement diffusée – on la retrouve jusque sur le site d’une association qui attire l’attention sur la ferme modèle Shongaï créée au Bénin par le père dominicain Godfrey Nzamujo – elle est aussi saluée par la critique.
Sa voix est parfois comparée à celle de Nina Simone pour sa fragilité, elle frappe aussi par sa douceur alliée à un dynamisme de rebelle. Ses rythmes puisent à des sources diverses – du blues, qu’elle est allé chercher jusqu’à L.A. pour s’imprégner de son essence, à la pop en passant par les rythmes traditionnels – pour donner un album dans la veine des « musiques du monde ».
Elle a beau dire que ses racines sont multiples, on sent bien qu’ici elle renoue avec celles de son enfance. Passé par l’âge des interrogations elle arrive à celui de la sagesse. Car « Animiste » est une véritable profession de foi. Animiste ? Le débat reste ouvert tant sa façon de le concevoir est positive et ouverte aux autres traditions. Ainsi rejette-t-elle le maraboutage, qui aboutit souvent à des demandes punitives envers autrui. Et accepte-t-elle l’idée d’un Dieu infini universellement présent et caractérisé par la surabondance de vie dans toute la nature. On n’est pas loin du christianisme, mais on n’y est pas pour autant. Il convient ni de confondre ni d’amalgamer ni de récupérer même si, via son éducation musulmane, elle voit des ponts entre son animisme et la Bible.
Reste qu’en ces temps de morosité et d’incertitude, son rire, son engagement écologique optimiste (la protection de la nature est dans le prolongement de la protection de la vie représentée par la faune et la flore) sont autant de dons – qu’elle veut tels – offerts à l’humanité et à ceux qui sont sensibles à sa musique. Et que sa musique est à l’image d’elle-même : généreuse.
Pierre FRANÇOIS
Fania : Animiste. Un disque Passion Lung music. Distribution : Abeille musique.