Théâtre : Fracas au Théâtre de Belleville

« Fracas » revient, au théâtre de Belleville cette fois-ci. La mise en scène a peu bougé et le talent est toujours là. Certes, le format est inhabituel : ici pas de dialogues entre les personnages, mais des proclamations qui éventuellement interfèrent, même si chacune se suffit à elle-même. Ils sont neuf sur scène, chacun s’exprimant à sa façon, par la parole ou le geste. Chacun venant d’un horizon différent : le milieu du spectacle, la rue, le handicap… Les textes, forts, sont bien servis. L’un partage une expérience de viol, l’autre de vie dans la rue, le troisième de vie en institution psychiatrique… À chaque fois, vue du point de vue des principaux intéressés, des victimes, des gens qu’on « aide ».
Le metteur en scène et auteur n’en est pas à son coup d’essai. C’est lui qui, déjà, a créé (entre autres) « Aziou liquid » à Montreuil il y a sept ans (et quel souvenir de théâtre, déjà !). Il brouille systématiquement les cartes, pour éviter la ghettoïsation, que le spectateur se dise confortablement que si untel dit ceci sur scène, c’est parce qu’il est dans la situation et que, finalement, il ne ferait pas un vrai travail d’acteur. En fait, professionnels et débutants (confirmés, on est incapable de voir qui et qui) sont mélangés, et le texte écrit en pensant à l’un est systématiquement confié à un autre.
« Fracas », c’est en fait un grand moment de vérité, de ces vérités qu’on se cache parce qu’on sait bien que personne ne « mérite » ni l’insertion ni la marginalisation. En cela, c’est aussi une œuvre salvatrice, qui permet à chacun de regarder l’autre et soi-même en face, sans gêne ni envie, et c’est cela qui est le plus fort : la dénonciation alliée à une absence de jugement. Hélas, la pièce ne se donne que pendant peu de temps, jusqu’au 8 décembre seulement !

Pierre François

« Fracas », d’Olivier Brunhes. Avec Baptiste Amann, Olivier Brunhes, Thomas Caspar, Noémie Ettlin, Nathanaël Favory, Claude Guyonnet, Christelle Journet, Julie Marboeuf, Kemso, Nadia Sadji, Alice Varenne, Vincent Winterhalter. Jusqu’au 8 décembre au Théâtre de Belleville, Passage Piver, (au niveau du 94, rue du faubourg du temple), tél. : 01 48 06 72 34, www.theatredebelleville.com.

Photo : Tom Menigault.

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