Le crabe cruel.
« Nos seins » est-il un (ou des) témoignage mis en scène, un spectacle militant ou une charge contre l’infantilisation des malades par les soignants ? Un peu de tout cela à différents degrés, sans doute. On y trouve aussi une référence réitérée à sainte Agathe de Catane qui, selon la Légende dorée, serait morte en martyre après avoir eu les seins arrachés pour avoir refusé le mariage à un proconsul païen. L’autrice a peut-être voulu trop en dire, sur un rythme qui laisse à peine le temps de digérer ce que l’on vient de recevoir. D’où, parfois, un sentiment paradoxal de coq à l’âne.
Mais cela ne gâche pas la belle complicité qu’elle entretient avec le public féminin. Qu’elle interpelle plusieurs fois, demandant par exemple aux « une femme sur huit » (qui a un cancer du sein dans sa vie) de se faire connaître. On sent l’écoute, la communion qui se produit autour de ce récit, heureusement embelli par la mise en scène (avec une mention spéciale, de ce point de vue, pour les effets produits par les injections).
Même si les spectateurs masculins ne peuvent – et pour cause – ressentir l’atteinte à la féminité que constitue cette maladie, les choses sont dites avec suffisamment de précision et de vérité pour que l’on ne puisse se bercer d’illusions.
La comédienne a-t-elle vécu tout ce qu’elle rapporte, peu importe, et la question est un tantinet voyeuse. L’important est qu’elle en donne le sentiment, ce qui s’appelle l’incarnation théâtrale et qui est le premier critère d’une bonne pièce. Car ce spectacle est marqué du sceau de l’authenticité et de la sincérité. C’est par ce biais-là, peut-être, que les hommes pourront se représenter les choses au lieu de s’en faire une simple idée intellectuelle.
Pierre FRANÇOIS
« Nos seins », de et avec Françoise Lorente. Mise en scène : Morgane Janoir, Françoise Lorente. Du mardi au samedi jusqu’au 16 novembre au Théâtre de la reine blanche, 2 bis, passage Ruelle, 75018, Paris. Tél. : 01 40 05 06 96, reservation@scenesblanches.com
Photo : Pierre François.