Une expérience !
« À cœur perdu, une histoire vraie » est une adaptation du récit d’Emmanuelle de Boysson* « Un coup au cœur »**. Le récit d’une parenthèse. Mais de celles qui changent une vie : elle a vécu un épisode de mort imminente. Le bonheur, la légèreté, l’envie de ne pas revenir, tout est là pour captiver le spectateur. Même celui ou celle qui est averti du sujet. Car Carmen Vadillo, son interprète, donne vraiment vie au personnage, le rend présent, attachant, renvoyant à nos propres interrogations ou doutes. Il y a aussi cette dimension de l’inattendu par rapport à la vision classique de la mort colportée depuis des siècles, comme un arrêt brutal, cruel, un départ vers le néant.
Les lumières sont particulièrement travaillées et les chorégraphies ajoutent à la sensation de bonheur supérieur (« J’étais tellement heureuse quand j’étais morte »). Le texte est à la fois réaliste et positif (« Tout ce qu’on vit d’exceptionnel nous isole, dans le merveilleux comme dans l’horreur »), méditatif souvent (« C’est une drôle de chose, le cœur, personne n’a le même. », « La mémoire, c’est comme des faux papiers : tout a l’air vrai et tout est faux. »). Le personnage est réellement habité et heureux. La musique est parfaitement accordée aux lumières, au texte et au jeu.
Le réalisme de cette pièce se situe aux confins du symbole et du fantastique. L’intérêt de cette pièce, au-delà de sa beauté, est d’ouvrir une porte originale, sans doctrine préfabriquée, qui interroge sans inquiéter. À chacun, après, de chercher un sens à ce témoignage ou de le prendre comme tel, comme une participation à la beauté du monde.
Pierre FRANÇOIS
« À cœur perdu, une histoire vraie » d’Emmanuelle de Boysson. Avec Carmen Vadillo. Adaptation et mise en scène : Hervé Bentégeat. Lundi et mardi à 21 heures jusqu’au 14 janvier au théâtre Essaïon à Paris. 6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard) 75004 Paris. Métro Châtelet, Hôtel de Ville, Rambuteau. Bus arrêt Georges Pompidou. Réservation : 01 42 78 46 42 ou essaionreservations@gmail.com. https://www.essaion-theatre.com/spectacle/1082_a-coeur-perdu.html
*Emmanuelle de Boysson a écrit une douzaine de romans, dont « Oublier Marquise », dernier tome de sa trilogie « Le Temps des femmes », qui a reçu le Prix Simone-Veil. Elle a cofondé le Prix de la Closerie des Lilas, qui récompense une romancière de langue française.
**Calmann-Lévy, 2024.