Musique : « Le Temps du féminin », par Mademoiselle Martine, sur la Toile.

Aller à l’essentiel.
La musique de Mademoiselle Martine est trompeuse. Lors d’une écoute distraite, on peut assimiler le ton de la confidence et la mélodie bien rythmée à une musique d’ambiance. Mais il n’en est rien. Dès que l’on porte attention au texte, on comprend immédiatement combien sa poésie — du registre soutenu, mais jamais pédant — commande cette ambiance de partage des secrets de la vie. La musique, quant à elle, devient la feuille sur laquelle s’inscrivent ces découvertes et ces sensations. C’est ainsi que, pourtant inconnue (c’est son premier album), Mademoiselle Martine a retenu l’attention de quelques spécialistes. C’est naturellement qu’elle a été influencée par l’univers des gwerz et de la poésie mexicaine, deux mondes qui se concentrent avec une relative gravité – mais aussi sensualité ou mysticisme – sur l’essentiel.
Comment celle qui n’avait été jusque-là qu’interprète a-t-elle basculé dans la création, tant de ses textes que des mélodies qui les sous-tendent ?
« Cela m’est tombé dessus, dit-elle, à travers deux évènements ». D’une part, elle retrouve un jour, dans un carton de cassettes audio, des essais de chanson auxquels elle avait participé. Elle a alors le sentiment qu’on lui a « enlevé les mots de la bouche », tant elle les ressent exactement des années après qu’une autre personne les a écrits. D’autre part, confrontée à un décès, elle comprend qu’il y a désormais des priorités, des urgences. Dont une nécessité, celle d’écrire pour transmettre, pour partager ces sentiments qui la traversent sans qu’elle puisse les maîtriser. Ces sentiments éthérés qui se révèlent à travers une forme d’excitation, de double conscience. Qui l’emmènent aussi vers un monde dans lequel tous les éléments du vivant sont harmonieusement interconnectés, proche du sacré et de l’animisme. Bien sûr, son écriture parle souvent de femmes et de féminité – elle n’emploie pas le terme de féminisme – mais c’est d’abord de « relation heureuse avec la nature » qu’il est question. Sans doute parce que les femmes sont la racine de l’humanité, le chaînon manquant entre la vie végétative et celle qui s’exprime. Quant au partage, elle a compris, en entendant d’autres s’emparer de son texte sur des tonalités qu’elle n’aurait jamais envisagées, que son travail lui échappait, que c’était bien ainsi et que s’il pouvait déclencher d’autres richesses dont elle ne serait pas l’auteure, c’était également une bonne chose. Elle comprend aussi que, sur son site, si elle se réserve la partie musicale, elle doit offrir l’espace visuel à une autre artiste qui y fera connaître ses propres travaux. Qu’enfin, il est bien que les bénéfices générés par certaines chansons soient partagés avec des associations.
Pierre FRANÇOIS
« Le Temps du féminin », par Mademoiselle Martine, autrice, compositrice, arrangeuse. Seize morceaux sur les plateformes et YouTube.

Illustration : Chantal Caraman.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *