Théâtre : « L’Aquarium, Lulu joue avec les mots de Karl Valentin », de et avec Véronique Martin au Théâtre du gouvernail, à Paris.

Ou bien vers les étoiles ! (Cyrano de Bergerac, acte 2, scène 7)
« L’Aquarium » fait partie de ces pièces qui, sans vous en mettre plein la vue, sont remarquables, et à plus d’un titre.
Par exemple, ce soir-là, le pianiste était en retard d’un quart d’heure. Qu’importe, la clown a commencé son spectacle en le cherchant un peu partout, y compris sous le piano ou à la surface des touches et tout le monde y a cru, même après l’arrivée de l’intéressé. Son talent pour l’improvisation ne s’arrête pas là. Le contact entre la comédienne et le jeune public est tellement naturel – aucune des adresses faites au public ne paraît artificielle – que ce dernier intervient même quand cela ne lui est pas demandé et qu’elle doit encore improviser pour intégrer les interventions spontanées et revenir vers son texte. Un texte qui n’est pas spécialement prévu pour les enfants : Karl Valentin, le « Chaplin allemand » était un humoriste par l’absurde proche du dadaïsme et de l’expressionnisme. Mais la comédienne a su amener et adapter le récit pour captiver l’attention de tous, adultes comme enfants. Plus fort encore, elle est parvenue à le compléter par plusieurs autres, dont des discours sur la vie après la mort (et y retrouver la belle-mère honnie ?) ou les anges (et leur aspect physique quand ils sont vieux) qui font à la fois rire et penser.
Du point de vue du rythme, on entre en communion avec la comédienne dès le début et on ne cesse jamais de la suivre dans les hésitations, échecs et mésaventures de son personnage, que l’on se surprend à prendre en pitié. C’est qu’elle a une grande expérience du clown et que son interprète, Lulu, est bien structurée.
Trente ans de mise en scène avec des comédiens provenant de milieux précaires sont passés par là, ce qui joue sûrement dans sa facilité de contact – qui tient aujourd’hui plus de l’instinct que de la technique – avec le public. Ce qui explique aussi son attachement pour le clown, cette figure qui subit des échecs, mais repart à chaque fois. Ce qui a eu pour résultat qu’elle mette en exergue de son site cette citation de Beckett : « Toujours essayé, Toujours raté, Peu importe, Essaie encore, Rate encore, Rate mieux. » Dans « L’Aquarium », elle est arrivée au point où les ratages ont effectivement abouti à un mieux qui touche le spectateur au cœur.
Pierre FRANÇOIS
« L’Aquarium, Lulu joue avec les mots de Karl Valentin », de et avec Véronique Martin. Musique : Luc Bert. Mercredi à 19 heures jusqu’au 17 mai au Théâtre du gouvernail, 5, passage de Thionville, 75019, Paris. Métro Laumière ou Crimée. Tél. 01 48 03 49 92. https://theatredugouvernail.fr/produit/laquarium/, https://www.cie-alouestdeden.com/paris

Photo : Pierre François.

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