Théâtre : « La Peur », de Stephan Zweig au Théâtre Michel.

L'enfermement du mensonge.
« La Peur » est une pièce à deux personnages et un fantôme, ou a trois personnages dont un intermittent mais dont la présence plane de façon continue sur ce couple qui se cherche tout en se dissolvant. À moins que ce ne soit l’œuvre d'un marionnettiste, on peut encore la présenter ainsi.
Ce sont surtout des personnages auxquels on croit dès le début, et de façon intense, au milieu de leur décor évoquant les années cinquante. Au début, le thème s'impose avec évidence : l'incommunicabilité dans le couple. Mais ce n'est qu'une première étape. Viennent ensuite, rapidement, ceux de la dissimulation puis de la culpabilité. L'histoire commence alors à se dérouler pour de bon, en même temps que le mystère s'épaissit et que le suspens s'intensifie. Car ce spectacle est construit comme un roman policier. Dont, effectivement, on ne soupçonne pas la conclusion.
Les comédiens sont tous parfaitement justes, ils laissent échapper ce qu'il faut d'indices pour relancer les interrogations du spectateur, mais pas assez pour laisser soupçonner la réalité de la situation. 
Les dialogues sont aussi justes que le jeu : « – Ce n'est pas la peur, c'est la honte » est d'une pertinence qui rappelle le discours de l'ivrogne du « Petit prince ». La haine et la folie sont également convoquées dans ce débat trop lourd pour une femme adultère qui continue à aimer son mari. Enfin, la façon dont les logiques psychologiques d'un homme et de sa femme sont exposées est tout aussi crédible. La nouvelle de Stéphane Zweig est parfaitement restituée.
Pierre FRANÇOIS
« La Peur », de Stephan Zweig. Adaptation et mise en scène : Élodie Menant. Avec : Hélène Degy, Aliocha Itovich, Ophélie Marsaud. Décor : Olivier Defrocourt. Costumes : Cécile Choumiloff. Lumières : Olivier Drouot. Du jeudi au dimanche à 19 heures au Théâtre Michel, 38, rue des Mathurins 75008 Paris, tél. 01 42 65 35 02 www.theatremichel.fr.

Photo : Pierre François.