Dire les silences.
« Le Corps de mon père » qui se donne à l'Essaïon est un spectacle étonnant. Comment dire l'émotion masculine ? L'admiration muette d'un fils pour son père taiseux ? La vie paysanne d'un manuel qui ne s'épanchait pas ?
Bernard Saint Omer, un manuel lui aussi puisqu'outre le métier de comédien il exerce aussi celui de sculpteur, a trouvé une solution originale. Il décrit, fait voir, fait entendre et fait sentir. Il décrit minutieusement le domicile et les habitudes paternelles méticuleusement, mais sans ennuyer, grâce à une perfection dans le rythme de sa diction et des intonations qui tombent juste à chaque fois. Il montre grâce au décor d'un atelier, et on voit bien que l'établi sert régulièrement. Il fait entendre les bruits du travail manuel (d'ailleurs il n'arrête pas d'être actif en même temps qu'il joue), jusqu'à celui d'une meuleuse. Il fait sentir les odeurs de la maison, non seulement en les racontant mais aussi en enfournant le pain qu'il a pétri.
Il réussit ainsi à exprimer une atmosphère de simplicité et de travail. Mais aussi la révolte contre ceux qui, sans mérite particulier, ont le pouvoir de priver son père de repos. Ou le trouble qui nous envahit tous quand nous découvrons la fragilité de nos parents et comment la vie a maltraité leur corps. Et même le fossé qui sépare un père ouvrier agricole d'un fils universitaire. C'est joué à la perfection, on y croit complètement, de bout en bout.
Pierre FRANÇOIS
« Le Corps de mon père », de Michel Onfray. Avec et mis en scène par Bernard Saint Omer. Du jeudi au samedi à 19 h 45 jusqu'au 1er octobre, lundi et mardi à 21 h 30 du 10 octobre au 1er novembre à L'Essaïon, 6, rue Pierre au lard, 75004 Paris, métro « Hôtel-de-ville » ou « Rambuteau », tél. 01 42 78 46 42, http://essaion-theatre.com/