Théâtre : festival d’avignon off, « Ma folle otarie » de Pierre Notte.

Comment pourrais-je seulement…, par David Westphal.
Est-il possible de vivre sans enthousiasme ni passion, sans opinion, sans colère, sans désir ni rejet ? C'est à cette question que nous confronte « Ma Folle Otarie ». Un conte, une parabole peut-être, qui réveille sur le ton de l'humour le goût de chacun à penser parfois en philosophe.
Voici l'histoire d'un homme, petit…si petit et si peu consistant qu'il ne lui est jamais venu à l'esprit de vouloir, d'espérer, d'agir, de vivre en somme. À tel point que le vide de son existence semble prendre corps, de bien curieuse façon, au bas de ses reins: ses fesses se mettent à gonfler.
Le conte prend la forme d'un monologue. Les saynettes s'enchaînent et dessinent peu à peu l'histoire de ce petit homme et de son quotidien soudain absurde. Interloqué par ce brusque changement dans son existence, il réagit et lutte d'abord en cartésien. Puis, mis à la marge par sa difformité incontrôlable, il affiche sa révolte et son caractère à mesure que la société -dans laquelle il a toujours tout fait pour ne pas être remarqué- le rejette.
Le texte de Pierre Notte est plein de poésie. Sa plume passe de l'humour au drame avec une élégante et semblable distance. Riche et sophistiquée, sa langue charpente le monde absurde où son personnage nous entraine. L'absurde est une forme délicate d'écriture. Sans repères aucuns, peu nombreux sont ceux qui goûtent ce plaisir. Pierre Notte ne prend pas le risque de l'outrance dans ce domaine. Les fils dont il tisse son histoire sont délicats. Ils ont un début et une fin. Le spectateur, sourire aux lèvres, n'est jamais perdu, il goûte plutôt l'habileté de l'ouvrage.
Dans ce conte plein de drôlerie, Brice Hillairet, est remarquable. Seul en scène, sans décor ni accessoire, sans même se déplacer, il incarne ce petit homme perdu et nous entraîne dans son histoire dont il tente de comprendre le sens. On l'écoute avec une curiosité gourmande, on aimerait l'aider tant il semble démuni, timide et dénué du caractère, dont bien sûr -en spectateurs bien au chaud dans nos certitudes- nous sommes pourvus! Dans ce personnage tout en retenue, Brice Hillairet est d'une générosité étonnante et termine le spectacle en nage!
Cette folle otarie est une belle réussite.
David Westphal
« Ma folle otarie », de et mis en scène par Pierre Notte. Avec Brice Hillairet. Lumières : Aron Olah. Du 6 au 27 juillet à 14 heures (relâches les 11, 18 et 25 juillet) au Théâtre des Halles, Avignon, tél. 04 90 85 52 57, contact@theatredeshalles.com, www.theatredeshalles.com.

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