Festival d’Avignon off, Théâtre-rencontre : « De la porte d’Orléans », à l’Espace Alya, à Avignon

Marionnettes, par Difouaine.
Ce spectacle de marionnettes relate un épisode de la résistance parisienne peu connu, celui de « la mégère de la rue Daguerre ». Début août 1942, Lise London(1) organise un coup d’éclat dans le 14e arrondissement de la capitale. Des tracts tombent du toit, elle exhorte à la résistance les passants réunis dans la file d’attente d’un magasin. Quelques spectateurs complices veulent protéger sa fuite mais elle est arrêtée et déportée. Cet épisode et ses préparatifs sont vécus du point de vue d’une petite fille de 6 ans, en visite chez sa grand-mère parisienne, humble résistante.
Audrey Bonnefoy a effectué de nombreuses recherches pour écrire ce spectacle qu’elle interprète seule. Elle manipule avec adresse des marionnettes originales, change de voix 10 fois, chante merveilleusement les morceaux de l’époque. Bref, elle incarne avec grâce et brio la petite-fille, la grand-mère, la gardienne et la bourgeoise collabos, la voisine juive, le fabricant de plaques de vélo…. 
La magie de la marionnette me fascine. Il recèle un très fort pouvoir d’évocation onirique. Quand la gardienne collabo, s’enroule, telle un serpent hypnotique, autour de la petite fille pour la faire avouer, j’ai peur pour cette petite fille. Quand la marionnette actionne son tour pour fabriquer une plaque de vélo, je vois ce vieil artisan fatigué. La poésie, la grâce, l’émotion, le bon choix des accessoires et des musiques, tout porte au rêve et, comme par magie, le passé devient présent.
Le grand mérite de ce spectacle est d’être pédagogique et passionnant. Un petit livret est remis à l’entrée qui donne le ton de l’époque : article militant du mouvement de résistance Combat, discours du maréchal Pétain, réclame, anecdote, mode d’emploi. Très bien fait, il nous replonge dans cette époque troublée qui commence à se faire lointaine. Le spectacle s’adresse à tous, il est d’ailleurs suivi une discussion informelle avec l’historien Masaï Mejiaz. Elle permet aux plus jeunes de se resituer dans l’époque, de comprendre certaines anecdotes (j’ai appris notamment comme faire tomber des tracts d’un toit sans se faire prendre). Cela ne sent jamais le cours d’histoire magistral, non, cela tient plus de l’échange que de la conférence. Et c’est vraiment un plaisir d’apprendre ou de se souvenir dans ces conditions. 
Courez voir ce spectacle intelligent, émouvant, ludique et poétique.
Difouaine
« De la porte d’Orléans », spectacle écrit et interprété par Audrey Bonnefoy. Marionnettes : Alexandra Basquin. Mise en espace : Philippe Rodriguez-Jorda. Participation de Masaï Mejiaz, historien. Du 4 au 26 juillet 2015, à l’Espace Alya, Festival off d’Avignon. Tout public à partir de 10 ans.
(1) L’écheveau du temps, la mégère de la rue Daguerre, Lise London, Le Seuil, 1995.
Résistante communiste de la première heure, elle fait partie des Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne. Mais on connaît parfois mieux sa vie d’après la Seconde Guerre mondiale, celle avec son mari tchèque, Artur London, grâce à L’Aveu de Costa-Gavras.

Photographie : Véronique Lespérat-Hequet