Domination, par Difouaine.
Un jeune aristocrate anglais désœuvré d’après-guerre engage un valet de chambre qui va très vite se rendre indispensable et prendre le pas sur son maître. Mais qui est le maître de qui ?
La pièce de Robin Maugham, moins connue que son adaptation par Harold Pinter pour le film de Losey, dresse sans complaisance le portrait d’une classe sociale dominante qui se délite et s’avachit par paresse et veulerie à travers le personnage de Tony. A l'inverse, son domestique (Barrett) digne descendant du valet de comédie traditionnel, ingénieux et stylé, mélange de Figaro et de Mr Stevens (majordome de Vestiges du jour), le vice en plus. Quelle est donc sa motivation à asservir son maître ? Vengeance de classe ? Désir de perversion ? Volonté de contrôle ? Rien n’est dit. On sait seulement que Barrett ne supporte pas la condescendance de Tony à son égard. En cela, il est plutôt réactionnaire : l’aristocrate et le valet doivent rester à leur place. Pourtant, il préfère partager ses maîtresses que sa cuisine, lieu où il exerce son pouvoir absolu. Ils finiront même par se tutoyer (dans la traduction française, du moins).
J’ai beaucoup aimé cette pièce, son rythme, son ambiance feutrée, la mise en scène ponctuée de noirs musicaux et de standards de jazz, le très bon jeu des comédiens, l’humour que font naître les heurts dans les rapports de classe, l’animosité et l’évolution parfois inattendue des rapports entre les personnages. On savoure la manière dont Barrett tisse sa toile et l’on tire les fils derrière lui.
Difouaine
« The Servant » de Robin Maugham. Traduction : Laurent Sillan. Mise en scène : Thierry Harcourt. Avec Maxime d’Aboville, Roxanne Bret, Xavier Lafitte, Adrien Melin et Alexie Ribes. Du mardi au samedi à 19 h et le dimanche à 17 h 30. Durée : 1 h 25. Théâtre de poche, 75, boulevard du Montparnasse 75006 Paris. Tél. : 01.45.44.50.21. www.theatredepoche-montparnasse.com

Photo : Brigitte Enguerand.