Théâtre : « Comme un cri », au Théâtre des déchargeurs, à Paris

Lutter contre l’oubli, par Difouaine

Ce seul en scène est le témoignage d’un des rares rescapés du Joola à bord duquel 2000 personnes perdirent la vie, au large de la Casamance, en septembre 2002.
J’avoue que je ne me souvenais pas de ce naufrage. Et tout est là. Témoigner pour ne pas oublier, telle est la mission que s’est fixée Patrice Auvray quand il écrit « Souviens-toi du Joola ». A son retour en France, il se heurte aux vivants, à tous ceux qui ne veulent pas l’entendre et lui conseillent d’oublier. Par leur indifférence et leur volonté d’oubli, ils l’empêchent d’exprimer sa douleur et se rendent complices des vrais responsables qui ont échappé à la Justice.
On comprend au fur et à mesure que les mots sont lâchés que les origines du drame ont été étouffées : l’inclinaison suspecte de la ligne de flottaison est visible à quai mais personne ne bouge et les passagers continuent d’embarquer. Rien de sérieux n’a été fait pour sauver de possibles survivants ni par le Sénégal ni par la France. Les informations données aux familles dans l’attente de nouvelles sont erronées voire mensongères. S’intercalent dans les mots du comédien quelques bribes des rescapés ou des témoins du drame enregistrés lors d’un rare reportage qui lui a été consacré. Et l’on mesure l’angoisse de l’attente, les fausses pistes, le manque de coordination et de volonté politiques dans les secours. A la fin d’une enquête bâclée, le Sénégal a rendu responsable du naufrage et des 2000 morts le capitaine, mort dans l'accident !

Si, par moments, j’ai regretté la forme narrative et l’interprétation monocorde du texte, peut-être pas tout à fait appropriée au théâtre, ce témoignage est poignant et atteint son objectif : dénoncer pour ne pas oublier. L’extrême dépouillement de la mise en scène renforce l’horreur du drame où se mêlent la culpabilité des rescapés, la lâcheté des responsables et la fidélité qu’on doit aux morts.

« Comme un cri » de Patrice Auvray, à partir son ouvrage « Souviens-toi du Joola »
Adaptation : Amélie Armao et Laurent Lecrest
Mis en scène Amélie Armao
Musique : Jean-Nicolas Mathieu
Avec : Jean-Christian Leroy
Théâtre Les déchargeurs

Tél. : 01.42.36.00.50 ou 0892. 68.36.22
www.lesdechargeurs.fr
Jusqu’au 21 mars 2015 à 19h30
Durée : 1 h 30

photo Christophe Voegelé

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