Théâtre : J’ai de la chance au Lucernaire

« J’ai de la chance » joue avec le dédoublement. Dédoublement de la personne âgée qui passe d’une époque à une autre sans s’en rendre compte, et dédoublement de la comédienne qui joue et la mamie et sa petite fille. Le lien qui les unit est la découverte par cette dernière du rôle qu’à son âge et durant la guerre sa grand-mère à joué dans l’épisode des enfants juifs de Moissac.

On ne sait pas toujours laquelle des deux s’exprime, mais peu importe : c’est l’ambiance générale de la pièce qui la construit et lui donne une âme. On a là un hommage discret et doux à des femmes qui le furent tout autant, et non moins héroïques.

Le vocabulaire employé est riche et précis, souvent teinté d’une dose d’humour. Régulièrement, le personnage de la femme âgée nous fait toucher du doigt les richesses du français. Le jeu nous emmènes dans les méandres de la mémoire qui se défait chez les plus âgés en même temps que dans le souci de retrouver des vérités chez les jeunes. En même temps, il y a cette rengaine – « j’ai de la chance » – chez celle qui explique que le mot d’ordre pour surmonter les peurs et épreuves de la guerre était le jeu. C’est une façon d’exprimer la réalité peu employée et pourtant bien vue, car tellement humaine.

Le spectateur ne sait pas où la comédienne l’emmène mais s’en moque car elle a su créer une atmosphère aussi rassurante que prenante. Elle a un véritable talent de conteuse : elle sait digresser et surprendre sans cesse pour toujours revenir au fil du récit.

 Pierre François

« J’ai de la chance », de et par Laurence Masliah. Mise en scène : Patrick Haggiag. Du mardi au samedi à 19 heures jusqu’au 4 janvier au Lucernaire, 53, rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris, tél. : 01 45 44 57 34, métro Vavin ou Notre-Dame-des-Champs.

Photo : Berlanger

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