Actu : Vivre en France ou mourir à Kaboul ?

L’évacuation de Kaboul a eu lieu sous commandement américain. C’est-à-dire que les autres pays fournissaient à l’État-major américain des listes de noms que ces derniers accréditaient ou non pour être sauvés.
Dès la mi-août, le Syndicat National des Journalistes a reçu des demandes d’évacuation d’hommes et de femmes en danger de mort. Ils étaient trois, puis huit, puis vingt, puis cinquante journalistes dont les noms ont été transmis à la cellule de crise du ministère des Affaires étrangères.
Dans le même temps, les membres du SNJ s’organisaient pour vérifier que toutes les demandes provenaient de vrais journalistes, selon des critères objectifs et relativement sévères.
Sur 3 000 demandes, le syndicat en a retenu 800, dont 200 pour des femmes, encore plus en dangers que leurs confrères.
Aujourd’hui, les journalistes français qui échangent quotidiennement avec leurs alter-ego via WhatsApp constatent leur désespoir. Une jeune journaliste, Sonia Mohammadi, a tenté de se suicider il y a dix jours à Kaboul. D’autres nous demandent s’ils doivent encore espérer ou s’il vaut mieux en finir dès maintenant. « Les ténèbres sont retombées sur l’Afghanistan », nous a dit l’un d’eux.
Mais l’administration française est ce qu’elle est, et peut-être aussi la volonté politique…
De sorte que, pendant ce temps :

  • Morteza Sadami, photo-reporter, a été arrêté lors d’une manifestation à Herat il y a deux semaines et les Talibans menaceraient désormais de l’exécuter. Par ailleurs, ils ont adressé des messages de menace à tous les journalistes du répertoire de son téléphone portable et demandé à certains de s’engager par écrit à ne plus rien écrire contre le régime, faute de quoi ils seraient emprisonnés.
  • Un journaliste nous a envoyé une vidéo qu’il a prise montrant sa femme et ses enfants terrorisés alors que des coups violents sont frappés à la porte de leur domicile par les Talibans. Certains changent de maison chaque jour ou se terrent chez des amis.
  • Depuis quelques jours, nous recevons des messages inquiétants de ceux qui n’ont plus ni travail ni de quoi manger.
    Ces 800 journalistes, nés dans les années 90, ont vécu sous un régime de liberté et d’espoir. Ils pouvaient exercer leur métier sans crainte. Ils ont utilisé cette liberté pour parler des Talibans, des menaces que leur progression faisait peser sur le pays tout entier. Les Talibans sont désormais au pouvoir et font régner un régime de terreur, en muselant les journalistes.
    Dans son allocution du 16 août, le Président Macron disait (https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/08/16/allocution-relative-a-la-situation-en-afghanistan) : « De nombreux afghans, défenseurs des droits, artistes, journalistes, militants, sont aujourd’hui menacés en raison de leur engagement. Nous les aiderons parce que c’est l’honneur de la France d’être aux côtés de celles et ceux qui partagent nos valeurs, autant que nous pourrons le faire et en tenant compte de la nécessaire adaptation de notre dispositif. Je remercie les associations, collectifs et communes qui aideront à leur accueil. Afin de procéder à ces opérations d’évacuation, qui ne se conduiront pas sans une étroite coordination avec les militaires américains sur place, j’ai décidé l’envoi de deux avions militaires et de nos forces spéciales. Ils seront sur place dans les prochaines heures.

    Le peuple afghan a le droit de vivre dans la sécurité et le respect de chacun. Les femmes afghanes ont le droit de vivre dans la liberté et la dignité. Et si le destin de l’Afghanistan est entre ses mains, nous resterons, fraternellement, aux côtés des Afghanes et des Afghans. En soutenant la société civile afghane et en faisant notre devoir de protection de celles et ceux que nous pouvons protéger. En disant très clairement à ceux qui optent pour la guerre, l’obscurantisme et la violence aveugle qu’ils font le choix de l’isolement. En étant toujours du côté de ceux qui combattent pour la liberté, les droits des femmes, qui portent dans le monde le même message que le nôtre. C’est le choix de la raison, c’est le choix de ce que nous sommes profondément. »
    Tous les journalistes afghans ont eu connaissance de ces propos du président de la République Emmanuel Macron, ainsi que de ceux et du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian (https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/afghanistan/evenements/article/afghanistan-communique-de-jean-yves-le-drian-15-08-2021) au lendemain de l’arrivée des Talibans dans Kaboul.
    Six semaines après ces déclarations suscitant l’espoir, les journalistes afghans et français, demandent que ces évacuations se fassent enfin. Tous les journalistes afghans comptent sur la France pour les « sortir de l’enfer ». C’est une question de survie. Ou plutôt de vie ou de mort. Certains doutent de la volonté de la France et envisagent de faire définitivement cesser leurs souffrances.
    L’espoir suscité par ces déclarations politiques était-il fou, au sens premier du terme ? S’agissait-il d’une déclaration de politique intérieure ne devant avoir aucune conséquence pratique ? La France a-t-elle les moyens de ses déclarations ? Ces dernières n’avaient-elles pas plus de valeur qu’une promesse électorale ?
    Ne serait-il alors pas criminel de jouer avec l’honnêteté intellectuelle de journaliste qui ont exercé leur métier en toute probité et auraient eu le tort de croire les dirigeants français aussi honnêtes qu’eux ?
    Ceci n’est évidemment pas une campagne syndicale du S.N.J. C’est simplement une campagne solidaire avec des femmes et des hommes en danger pour leur vie.
    Faites connaître ces faits sur les réseaux sociaux.
    Questionnez nos responsables.
    Aidez-les et aidez-nous.
    Pour elles, pour eux, merci !
    Pierre FRANÇOIS

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