Théâtre : le spectacle continue (2).

Gérard Rouzier, qui donne « L’Évangile de saint Jean » depuis des dizaines d’années ou a dernièrement joué (dans le désordre) « Charles de Foucauld », « Van Gogh » ou « Le Cinquième évangile », sans oublier la direction artistique d’une « Etty Hillesum » a-t-il arrêté ses activités théâtrales avec le confinement ?

Il a failli.

Mais il se trouve que parallèlement aux pièces qu’il joue et stages théâtraux qu’il organise, il anime aussi un atelier biblique. Au moment de l’annonce du confinement, il a commencé, comme beaucoup de personnes, par vivre un temps de sidération. Au bout d’une semaine, il réalise qu’il ne peut pas laisser les participants à son atelier en plan. Certes, il n’a jamais pratiqué la visioconférence, mais s’aperçoit vite que c’est assez simple. Et le voilà parti pour animer cet atelier, dont une des caractéristiques est d’inviter les participants à l’intériorité face à la parole sacrée. Une fois l’expérience faite, il s’aperçoit que les retours sont bons et que tous les participants sont satisfaits.

Il se trouve qu’il avait un stage de théâtre programmé dans la Drôme depuis longtemps. Fort de cette toute nouvelle expérience, il donne aux inscrits le choix entre renoncer ou tenter gratuitement de faire un stage adapté à cette technologie. De son côté, il adapte sa méthode d’enseignement. Cette adaptation consistant, par exemple, à ne jamais demander au comédien de regarder la caméra, car se voir le déconcentre. Ou à bannir les déplacements (mais pas les gestes), car dès qu’il s’éloigne de l’objectif on ne voit plus rien de ses expressions. Toutes choses qui n’ont finalement que peu de conséquences sur sa pédagogie dans la mesure où il privilégie déjà l’incarnation et la construction du personnage, l’intériorité, la sincérité. L’écoute et le partage profond deviennent alors très importants. C’est au point que les qualités d’être et de présence développées en répétition ont invité des participants ne se connaissant pas au départ à décrocher leurs téléphones pour avoir des conversations privées qui se sont révélées d’une profondeur inattendue.

L’actualité de Gérard Rouzier ne s’arrête pas là.

Depuis vingt ans, un de ses amis lui conseillait de lire « Dialogues avec l’ange », mais à chaque fois qu’il entamait ce livre, cela provoquait chez lui un rejet violent pour cet écrit si particulier. « C’est une histoire qui m’a coûté cher, s’amuse-t-il, car ma réaction était si vive qu’à chaque fois je jetais le livre et le rachetais quelques années plus tard, toujours sur le conseil du même ami ». Jusqu’au jour où le même lui conseille de lire « la Source blanche », de Patrice Van Eersel, qui raconte l’histoire de ces trois jeunes filles et de cet homme recevant des messages intérieurs qui leur font découvrir leur part de divinité créatrice. Ce travail d’historien est parsemé de citations si bien choisies que Gérard Rouzier, cette fois, lit à la suite les « Dialogues » – selon sa méthode habituelle : lire, laisser reposer, accueillir la réaction qui vient, reprendre – et y trouve une vraie nourriture pour lui. Mais éprouve aussi le besoin d’être guidé. Pourtant, si les personnes qui l’aident lui rendent réellement service, il sent que ce qu’il cherche est ailleurs jusqu’à ce qu’il se souvienne opportunément de cette parole dans le style koan de la tradition bouddhiste du zen Rinzai : « Ce qui te manque, cherche-le dans ce que tu as. ». Comme ce qu’il sait faire, c’est d’animer des groupes, il se lance de façon informelle auprès de quelques amis dont plusieurs connaissent bien mieux que lui l’ouvrage et son histoire. Alors qu’il n’a pas fini sa lecture-méditation du livre, leurs retours sont néanmoins positifs. Cela le décide à programmer un stage intitulé « Dialogues avec l’en-je » dans la mesure où il s’agit de plonger en soi-même à la lumière de ce qui est dit dans ce livre. Et cela marche tellement que d’autres sont demandés pour l’an prochain, jusqu’en Belgique. En attendant, devenu familier de la formule en visioconférence, il maintient toutes les dates quitte à le réaliser via les écrans. Le prochain a lieu du 29 au 31 mai et on peut s’inscrire sur le site de la compagnie du sablier . Et sans doute y aura-t-il dès juin, selon les mêmes modalités, donc en direct, une lecture-spectacle sur Maurice Zundel.

Pierre FRANÇOIS

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