Théâtre : Chat en poche aux Artistic Athévains

Faut-il encore monter Feydeau  ? «  Chat en poche  », au Théâtre Artistic Athévains est bien joué, notamment le rôle du médecin, bénéficie d’un décor aussi désaxé que l’est le propos par rapport aux conventions habituelles et est valorisé par une mise en scène qui entretient bien le rythme propre au vaudeville. L’air de chats de Rossini, qui ouvre et referme ce délire, est un clin d’œil bien réussi. Las, on pique quand même du nez…
Le problème de ce genre de théâtre est d’être daté, de faire référence à des mentalités sociale qui nous sont de plus en plus étrangères – même si une allusion sur la difficulté à admettre le ménage à trois peut encore être d’actualité – et de ne proposer en général qu’une mécanique du rire (le plus souvent fondée sur des jeux de mots et des quiproquos) qui n’est sous-tendue par aucune réflexion de fond.
Comment se fait-il que le vaudeville ennuie désormais  ? Même si comparaison n’es t pas raison, osons la quand même  ! Lorsque les premières montres – puisqu’on a l’habitude de dire que l’écriture d’une telle pièce est un travail d’horlogerie – à fond transparent sont apparues sur le marché, il y eut un moment d’émerveillement devant la précision et la beauté de ces mécanismes. On pouvait même juger du premier coup d’œil si on avait affaire à une automatique ou à une électrique. Aujourd’hui, ces objets littéraires que sont les vaudevilles ne sont plus qu’un style d’écriture parmi d’autres et nul ne s’amuse à deviner si une pièce est de Labiche ou de Feydeau selon la façon dont s’enchaînent les dialogues. Qui se souvient, concernant le vaudeville théâtral né à la fin du XIXe siècle, que Scribe – le créateur du genre – Meilhac, Halévy ou Hennequin contribuèrent à sa fortune  ? On a cessé de jouer Courteline il y a environ trente ans. Restent deux buttes-témoin de cette époque  : Feydeau (qui est le plus proche de nous après Courteline) et Labiche (dont toute l’œuvre date du XIXe siècle). Jusqu’à quand  ? Combien de temps durera leur purgatoire  ? Reviendront-ils  ?
Les seuls cas où ces pièces des XIXe et début du XXe siècles peuvent encore émouvoir sont ceux où elles sont transformées. On se souvient encore du «  Dindon, version tzigane  » qui, du fait de l’irruption de musiques en tous sens et à tous moments, devenait autre chose tout en respectant le texte de l’auteur. Mais il faut une capacité d’innovation mâtiné d’un respect de l’œuvre initiale très rares et pour tout dire proche du génie de l’auteur lui-même pour arriver à transformer de tels essais  !
En attendant, le genre comique a évolué, y compris celui qui continue de recourir aux quiproquos ou à un rythme de métronome au galop.
On ne sort pas du «  Jeu de la vérité  », par exemple, sans avoir pleuré de rire et se mettre à réfléchir sur la question du handicap. Inversement, «  Le tour du monde en 80 jours  », qui est plus proche du rythme du vaudeville mais sans les effets comiques propres au genre, tire également son épingle du jeu du fait que le message sous-tendu par Jules Vernes (la lutte de l’intelligence et de la sensibilité contre la bêtise et les règles impersonnelles) est préservé. Le vaudeville a vécu et a été remplacé – avec un bonheur des plus inégal  ! – par le boulevard…
Pierre FRANÇOIS
«  Chat en poche  », de Georges Feydeau. Avec Jacques Bondoux, Cédric Colas, Giulia Deline, David Fernandez, Frédérique Lazarini, Sylvie Pascaud, Dimitri Radochévitch. Mise en scène  : Anne-Marie Lazarini. Décor (réussi) et lumières  : François Cabanat. Au Théâtre Artistic Athévains, 45, rue Richard Lenoir, 75011 Paris, tél.  : 01 43 56 38 32, métro Voltaire.

Photo : Marion Duhamel.

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