Théâtre : Je marche dans la nuit par un chemin mauvais à La Tempête et en tournée

« Je marche dans la nuit par un chemin mauvais » est une pièce d’Ahmed Madani, qui a déjà commis « Illumination(s) » en 2012 au Théâtre de l’Épée de Bois.
Tout comme pour ce précédent spectacle, le titre est une référence littéraire(1) tandis que le contenu est le fruit d’une observation psychologique et sociologique. En l’occurrence, l’auteur en résidence à Argentan a retrouvé les notes prises lors d’entretiens avec un ami qui avait vécu la guerre d’Algérie. Il se met alors à écouter les anciens du cru parler de leur vie quotidienne d’alors, à les laisser évoquer les lettres qu’ils écrivaient à leurs fiancées, montrer de vieilles photos. Parallèlement, il est en contact avec des adolescents qui ont leurs codes, leurs aspirations, et sont à peine plus jeunes que les appelés qui partirent dans les années cinquante « pacifier » un pays qui était encore la France.
La pièce qui en résulte n’est absolument pas – c’est là son intérêt – sur la guerre d’Algérie, ni même sur la guerre tout court. Mais elle montre surtout ce qui reste transmissible à la suite d’une expérience extrême, et fait sentir la quantité de souvenirs qui resteront scellés parce que trop lourds à porter ou à faire supporter. On a là une pièce profondément humaine et sensible, souvent comique dans la façon dont adultes et ados s’agacent mutuellement, qui touche à l’universel. En effet ce conflit – faux conflit, d’ailleurs, plutôt apparentement des espoirs qui se disent si différemment à deux âges de la vie – peut faire penser à une multitude d’hypothèses : les survivants de la Shoah bien sûr, mais aussi tous ceux qui ont traversé le désespoir extrême et savent qu’il ne leur est ni possible individuellement ni permis socialement d’en parler, en attendant de pouvoir, un jour peut-être, offrir une vraie compassion à ceux qui seront en train de mettre leurs pas dans le chemin qu’ils ont dû gravir.
C’est très bien joué, avec toutes les nuances de l’énervement ou de la retenue selon les moments et une pudeur de sentiments permanente, y compris derrière le masque de la provocation.
Pierre FRANÇOIS
« Je marche dans la nuit par un chemin mauvais », de et mis en scène par Ahmed Madani. Avec Vincent Dedienne et Yves Graffey. Texte édité par Actes Sud-Papiers. Du 14 mars au 13 avril au Théâtre de La Tempête, 17 au 18 avril à l’Opéra Théâtre de Saint Étienne, 28 au 30 avril au Théâtre Eurydice de Plaisir.

(1)« Je marche dans la nuit par un chemin mauvais, / Ignorant d’où je viens, incertain où je vais /Et je rappelle en vain ma jeunesse écoulée, / Comme l’eau du torrent dans sa source troublée. » Alphonse de Lamartine – Nouvelles méditations poétiques.

Photo : Pierre François.

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